Discover Kazakhstan : Architecture (et design)

Neuvième du monde par sa taille, le Kazakhstan est le pays de la démesure. Ne vous fiez pas à l’aspect désertique et dur de ses immenses steppes et de ses montagnes, car ces paysages abritent un patrimoine architectural à l’extraordinaire richesse. Les sites préhistoriques y sont légion et nous renseignent sur les modes de vie des peuples nomades, tandis que les vestiges des relais de la Route de la Soie nous transportent en des temps quasi mythiques. Les grandes dynasties islamiques y laissèrent de véritables splendeurs, à commencer par leurs mausolées à l’étonnante richesse décorative. Sous influence russe, le pays se dota d’élégantes maisons de bois et églises à bulbe, un charme qui contraste avec le brutalisme monumental de l’ère soviétique. Depuis son indépendance, le Kazakhstan ne cesse de se transformer, comme le prouve Astana, la capitale de tous les excès… fort éloignée de la sobriété des yourtes nomades. Dépaysement garanti !

Trésors des origines

En 2007, un économiste kazakh passionné d’archéologie découvre par hasard en naviguant sur Google Earth d’impressionnantes formes géométriques dessinées sur le sol. Il ne le savait pas alors, mais il venait de faire une découverte fascinante : celle de géoglyphes dont les plus anciens remonteraient à 8000 ans ! Ces dessins (croix, quadrilatères, cercles, swastika…) ne sont visibles que du ciel et se composent d’une succession de centaines de monticules de terre, tranchées et remparts de bois. Le plus impressionnant, situé non loin du village d’Ushtogaysky, est un carré composé de 101 monticules. La Nasa a désormais pris le relai pour tenter de percer les secrets de cette architecture multimillénaire ! Le Kazakhstan est également riche de nombreux sites pétroglyphiques. Les Hommes y gravaient des motifs à l’aide de pierres pointues dans une roche lisse et couverte d’une patine naturelle qui permettait de jouer sur les effets d’ombre et de lumière. Classés au Patrimoine Mondial de l’Unesco, les pétroglyphes de Tanbaly, datant pour les plus anciens de l’âge du bronze, comprennent notamment de superbes représentations d’idoles témoignant de la dimension sacrée des lieux. L’ensemble du canyon a d’ailleurs été utilisé à des fins funéraires par les différents peuples nomades, comme le prouvent les nombreux tertres et autels sacrificiels qui y furent retrouvés. Cette architecture sacrée trouve son témoin le plus étonnant dans le mausolée mis à jour en 2016 dans la région de Karaganda. Vieux de plus de 3000 ans, il impressionne par sa structure pyramidale construite en terre et renforcée par des dalles de pierre sur sa façade extérieure. Son agencement intérieur témoigne de la hiérarchisation de la société d’alors, la chambre funéraire du chef étant placée au sommet de la pyramide. Les civilisations nomades jalonnèrent les grandes steppes eurasiennes de deux types de structures témoignant d’une culture mêlant pouvoir et sacré. Les kourganes sont des tertres ou collines artificielles recouvrant une tombe dont le plus célèbre est le Kourgane de Iessik avec ses 6 m de haut et 60 m de circonférence et où fut retrouvée la célèbre armure de « l’homme doré ». La juxtaposition de ces kourganes royaux créait de vastes nécropoles dévoilant des chambres funéraires aux étonnantes voûtes de terre et aux pierres élégamment taillées. La nécropole de Boralday abrite 52 kourganes dont le plus imposant atteint 20 m de haut et 150 m de diamètre. Leurs balbals ou pierres totémiques sculptées que l’on retrouve un peu partout dans le pays sont d’autres fascinants témoins de cette culture des chefs nomades, dont la yourte reste la forme d’habitat privilégié. Sa forme circulaire revêt une dimension tout à la fois pratique, elle permet de résister aux vents violents des steppes, et symbolique, elle représente la perfection du cosmos. Facilement portable et démontable grâce à un système de cordes, elle se compose d’une ossature en bois sur laquelle on vient poser des couches de peaux ou de feutre blanc. A l’intérieur se dévoile un artisanat à la fascinante richesse : mobilier en bois peint et sculpté, tapis et nattes tressés selon des motifs floraux ou géométriques, abondance de couleurs… le nomadisme n’a jamais empêché le luxe !

Splendeurs de l’Islam

Dans la région rocheuse de Mangistau, vous pourrez découvrir d’étonnantes mosquées souterraines qui servaient à l’origine de grottes-ermitages aux ascètes du désert. Creusées par l’homme ou formées sous l’effet de l’érosion, ces cavités sacrées sont souvent proches de nécropoles aux tombes richement ornées et stylisées. La nécropole de Kochkar Ata et la mosquée de Chakpak-Ata avec ses cinq salles dont une hypostyle (au plafond supporté par des colonnes) en sont de beaux exemples. Les anciens grands corridors de la Route de la Soie sont, eux, jalonnés des vestiges d’anciennes colonies commerçantes et de cités princières pensées à la gloire des khans. Elles se reconnaissent à leurs silhouettes fortifiées dont les plus hautes tours pouvaient atteindre 15 m. A l’abri de ces remparts se découvrent caravansérails et palais. Les rues tortueuses et les places animées des bazars sont, elles, bordées de petites maisons individuelles s’élevant sur un ou deux étages, les quartiers étant sectorisés par activités (artisanales, agraires…). La région de Jetyssou regorge de ces témoins. Jusqu’au XIIe siècle, les matériaux privilégiés sont les briques et carreaux de terre cuite, parfois renforcés avec des petites pierres ou du bois. Les mosquées, souvent de plan carré, s’organisent autour d’une vaste cour centrale flanquée de minarets et bordée de 4 iwans. De tradition persane, l’iwan est une salle voûtée ouverte à une extrémité et faisant face au mihrab (niche de prière). Ces hauts portails protègent ainsi la cour des vents dominants et offre une plateforme aux nomades pour y installer leurs yourtes. Les extérieurs se distinguent par un étonnant travail de la brique dont les jeux de disposition verticale et horizontale créent des zigzags et autres motifs en réseau (technique bannai). Sayram est l’une des plus anciennes agglomérations du pays. On y admire de très beaux dômes, ainsi que le minaret de Kydyra, dont la structure entièrement en brique, atteint 15 m de haut. Sous les Karakhanides, cette architecture classique va gagner en richesse. A Taraz, le célèbre Mausolée d’Aisha Bibi est un des plus beaux, on le surnomme d’ailleurs le Taj Mahal kazakh. Construit en briques de terre cuite dont les dispositions représentent près de 50 motifs différents, le mausolée est entouré de somptueux jardins.

Mais c’est au XIVe siècle, sous la dynastie des Timurides, que l’architecture va connaître un tournant majeur. Au cours des conquêtes lancées par le puissant Tamerlan, scientifiques et artistes sont systématiquement kidnappés pour être mis à disposition de l’empire et permettre l’édification de nouvelles cités prospères. Ce sont eux qui développent un nouveau système de voûte permettant, grâce à des arches transversales, de couvrir des espaces de plus en plus vastes. Sous les Timurides, la monumentalité et la richesse décorative sont la clé. Mausolées et mosquées sont ainsi souvent regroupés en une grande structure commune baptisée khanaqa. Arabesques, rinceaux floraux, inscriptions calligraphiques y ornent les carreaux en céramique émaillée et colorée qui forment d’élégantes mosaïques et des motifs en relief. La plus somptueuse forme de décor est appelée lajvardina et consiste en une base de glaçure bleu turquoise sur laquelle sont ensuite disposés les émaux. Jaspe et jadéite sont, elles, souvent utilisées pour sculpter les pierres tombales. Le plus beau représentant de cette richesse timuride est le Mausolée d’Ahmed Yasawi à Turkestan. L’iwan qui donne accès à l’édifice mesure 50 m de large, tandis que le dôme principal s’élève à 37 m de haut et mesure près de 18 m de diamètre. Peintures murales, stalactites d’albâtre, tuiles vernissées à motifs géométriques, ornements épigraphiques, porte en bois richement sculptée, tout n’est que raffinement. Et ne manquez surtout pas la mosquée du mausolée avec son superbe carrelage bleu turquoise et blanc. Tamerlan étant mort avant la fin des travaux, la façade principale resta délibérément inachevée… voilà pourquoi vous pouvez encore apercevoir des morceaux d’échafaudage encore fichés dans la maçonnerie !

Influence russe et soviétique

Les premiers russes s’établirent d’abord dans de modestes cabanes en rondins de bois. Puis progressivement, les pionniers se transformèrent en colons et un peu partout furent édifiés forts et fortins pour asseoir la présence russe sur le territoire. L’empire tsariste travaille alors à adapter le territoire kazakh à ses besoins, développant le chemin de fer et de nouvelles industries. La classe moyenne russe s’établit dans des enclaves que l’on reconnaît à leur étonnante modernité : plan quadrillé par d’élégantes avenues arborées et bordées de demeures aux superbes boiseries, éclairage au gaz, création d’une architecture de loisirs, notamment musées et théâtres aux très beaux décors de briques peintes. Les styles alors privilégiés offrent un savant mélange de néo-byzantin, baroque et néoclassique. Les plus belles représentantes de cette première architecture russe sont les églises orthodoxes que l’on reconnaît à leurs ossatures en bois, à leurs coupoles dorées surmontées de bulbes et à leurs façades pastel. A Almaty, la Cathédrale de l’Ascension, au cœur du parc des 28 gardes de Panfilov, est l’une des plus célèbres. Sa structure entièrement en bois a été assemblée sans aucun clou ! Dans les villages, les petites cabanes font place à d’élégantes maisons aux structures en forme de A et aux encadrements de portes et fenêtres joliment sculptés et peints, offrant ainsi de beaux contrastes avec le bois brut. Il n’est pas rare parfois de voir se mêler différentes influences, islamiques et chinoises notamment, certaines mosquées s’inspirant ainsi des grandes coupoles timurides, des pagodes asiatiques et de l’architecture de bois russe. La ville de Semeï en conserve un étonnant exemple : la mosquée Anet Baba Kishikuly. Durant la période soviétique, l’architecture oscille entre monumentalisme et fonctionnalisme. Il s’agit d’abord d’imaginer un nouvel urbanisme en adéquation avec les normes égalitaires et hygiénistes du régime, et d’où seraient effacées toutes traces du passé. Mosquées et bazars sont ainsi systématiquement détruits ou transformés. Les édifices publics sont, eux, tout entier pensés à la gloire du régime. Puisant leur inspiration dans les codes antiques, les architectes soviétiques usent et abusent des arcades et colonnades pour créer de véritables temples modernes. A cela s’ajoute également un important travail décoratif comme le montrent bien les nombreuses mosaïques dorées et colorées et autres sculptures en bas-reliefs ornant les façades des édifices. Almaty abrite de fascinants témoins de cette période comme le Palais de la République avec son étonnante structure de verre et de béton en porte-à-faux ; l’Hôtel Kazakhstan immanquable avec sa couronne posée au sommet de ses 26 étages ; le Théâtre Auezov, imposant monolithe de béton ; ou bien encore le Cirque d’Etat en forme de yourte et les Bains Arasan mêlant brutalisme et tradition orientale. Alors qu’usines et industries prospèrent, il faut pouvoir loger rapidement et à bas coût la nouvelle main-d’œuvre. Sortent alors de terre de nouveaux centres urbains dominés par de grandes barres de béton sans âme. Pavlodar en est le parfait exemple. A cette architecture industrielle et standardisée s’ajoutent toutes les infrastructures militaires, nucléaires et pénitentiaires. Les vestiges du camp de travail stalinien de Karaganda baptisé KarLag qui, à son apogée, couvrait une superficie plus grande que la France ; ou bien encore le Cosmodrome de Baïkonour aux dimensions gigantesques (6 717 km2 de plateformes, pas de tirs et silos) et sa ville fantôme, comptent parmi les plus tristement célèbres témoins de cette occupation soviétique.

Depuis 1991

En 1997, le président Noursoultan Nazarbaïev décide de transférer la capitale d’Almaty (trop socialiste pour lui) à Astana. Autoproclamé architecte en chef de la ville, qu’il a, pour l’occasion, rebaptisée Nur-Sultan, Nazarbaïev veut en faire une exubérante cité toute à sa gloire. Il veut légitimer son pouvoir en multipliant les références à des architectures passées (à l’inauguration de la ville, il réalisa même le rituel de purification par le feu opéré par les grands khans) et manifester sa puissance visionnaire dans une architecture monumentale et futuriste. Pour se faire, il fait appel à certains des plus grands architectes contemporains. Si le plan initial qu’il avait envisagé selon les principes d’un urbanisme symbolique et organique ne fut pas retenu, Nazarbaïev ayant opté pour l’axialité et la monumentalité, Kisho Kurokawa imagina cependant les nouveaux terminaux de l’aéroport Nursultan-Nazarbaïev. L’italien Manfredi Nicoletti, lui, élabora le Concert Hall que l’on reconnaît à ses grandes ailes de verre aux éclats turquoise rappelant tout à la fois un oiseau et le Dombra, instrument traditionnel à deux cordes. En 2017, la ville accueille l’Exposition Universelle baptisée « Astana 2017 » dont le thème principal est les énergies renouvelables alors même que l’ensemble du projet est financé par… le pétrole. Adrian Smith et Gordon Gill imaginent pour l’occasion un immense pavillon central avec un pont en verre suspendu au-dessus d’une gigantesque sphère surnommée « Death Star ». Pyramides, cônes dorés, tours à miroirs, les bâtiments les plus fous sortent alors de terre et coûtent au pays la modique somme de trois milliards de dollars ! Mais l’architecte qui a le plus contribué à transformer le visage d’Astana est sans conteste le britannique Norman Foster. C’est à lui que l’on doit le Palais de la Paix et de la Réconciliation, énigmatique pyramide d’argent couronnée d’un lanternon en vitrail ; le Nazarbaïev Center, gigantesque bol de pierre surmonté d’un œil en verre d’une portée de 90 m et offrant des vues sur les 20 000 m2 de marbre blanc du Palais Présidentiel ; ou bien encore le Khan Shatyr Entertainment Center, énorme structure transparente à la forme d’une tente asymétrique de 150 m de haut et abritant une ville miniature. A cela s’ajoutent d’autres bâtiments emblématiques comme la Tour Bayterek dont les 97 m de haut sont couronnés d’une sphère dorée symbole de l’œuf que Samrouk, l’oiseau mythique du pays, aurait déposé sur l’arbre de vie. Dans la capitale, tout n’est que démesure : la mosquée Hazrat Sultan possède la plus grande coupole du pays (51 m de haut, 28,1 m de diamètre) flanquée de 4 minarets de 77 m ; tandis qu’au centre de la ville trônera bientôt le Abu Dhabi Plaza, obélisque ondoyante de 311 m de haut. La ville compte déjà plus de 50 gratte-ciel de plus de 100 m ! Loin d’avoir créé une cité cohérente et harmonieuse, les ambitions de Nazarbaïev ont, en réalité, contribué à créer une sorte de ville éclatée en centres dispersés et reliés entre eux par des autoroutes urbaines, dont la monumentalité effacerait presque la présence de nombreux espaces verts. En parallèle, les autres centres urbains comme Almaty connaissent, eux-aussi, un boom architectural, voyant sortir de terre des tours de verre et d’acier et des bâtiments résidentiels aux conceptions standardisées, alors que leurs périphéries se couvrent d’auto-constructions précaires et insalubres. Face à ces dérives, certains architectes tentent d’élaborer des projets plus durables. Ecolodges modulaires (Tenir Eco Hotel), architecture-sculpture qui interroge l’espace (Minima Maxima à Astana), ponts piétons et végétalisés, terminaux en verre et bois inspirés des yourtes traditionnelles (aéroport d’Almaty) comptent parmi les idées novatrices esquissées pour dessiner le Kazakhstan de demain.

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