Guide Setouchi : Histoire

Figures historiques

Itō Hirobumi. Duc et samouraï, né en 1841 à Hikari, préfecture de Yamaguchi, il fut quatre fois Premier ministre sous l'ère Meji, durant la Guerre sino-japonaise. Conscient du retard de son pays tant au niveau politique, économique et militaire que scientifique et technologique et, converti aux idées occidentales, il participe au coup d'Etat de Mutsuhito en 1868. Il signe l'accord de Tianjin établissant le condominium sino-japonais sur la Corée en 1885, rédige la Constitution de janvier 1889 et négocie le traité de Shimonoseki avec la Chine en 1895. Ses tentatives pour éviter la guerre avec la Russie suscitent le mécontentement des militaires. Il part alors pour la Corée et est assassiné par un nationaliste coréen.

Musashi Miyamoto. Né autour de 1584 à Harima dans la préfecture de Hyōgo, Musashi Miyamoto serait l'un des plus célèbres samouraïs de tous les temps. Tout au long de sa vie, il livra de nombreux duels à mort et demeura invincible. Dans son " Livre des Cinq Anneaux ", le Rin No Sho Go, Musashi affirme qu'il participa à son premier duel à l'âge de treize ans contre un samouraï adulte nommé Arima Kibei de la province de Tajima, sabreur de l'école de Kenjutsu Shintō Ryū. Mais son duel le plus célèbre se fera contre un samouraï nommé Sasaki Kojirō... Musashi Miyamoto inventa un style encore aujourd'hui étudié dans les écoles de sabre de combat. Le kenjutsu. Un art martial qui combine simultanément les deux sabres, le katana et le wakizashi. La trace laissée dans l'histoire du Japon ne se limite pourtant pas aux techniques de l'art du sabre. Il était aussi écrivain, artiste-peintre, calligraphe, sculpteur et a conçu un jardin japonais d'exception à Kumamoto, malheureusement totalement détruit durant la Seconde Guerre mondiale.

Ryōma Sakamoto. Né en 1836, le petit Ryōma apprend très vite les techniques de combat. Devant les représailles et les difficultés de sa famille, il quitte sa province de Tosa à l'âge de 28 ans et rejoint un grand politicien de l'époque, Kaishū Katsu. Ce philosophe éclairé lui enseigne la politique, ce qui l'éloigne du monde de la guerre. Il profite de son élégance et de sa diplomatie pour apaiser les tensions entre certains clans, notamment entre les groupes dirigeant les zones de Kagoshima et Yamaguchi. Il rédige des textes clés pour l'organisation future du gouvernement Meiji, à la fin de l'époque Edo.

Chronologie
Chronologie du Japon

150 000 av. J.-C. > Culture précéramique.

10 500 à 400 av. J.-C. > Epoque Jōmon : poterie à dessin cordé. Chasse et cueillette.

400 av. J.-C. à 300 apr. J.-C. > Epoque Yayoi, introduction de la culture du riz. Bronze et fer venus de Chine et de Corée.

Époque Yamato (de 300 à 552)

Vers 400 > La guerre des clans : le clan du Yamato prend le pouvoir vers 400. Les premiers dirigeants sont les ancêtres de la lignée de la cour impériale.

538 > Introduction du bouddhisme par la Chine et la Corée.

Époque Asuka (de 552 à 710)

593-622 > Le régent Shōtoku Taishi promeut le bouddhisme comme religion d'Etat et prend position par rapport à la Chine.

630 > Première ambassade en Chine.

645 > Coup d'Etat et grandes réformes de Taika.

Époque Nara (de 710 à 794)

710 > La capitale est établie à Nara.

712 > Ecriture du Kojiki, la plus ancienne chronique du Japon.

Époque Heian (de 794 à 1185)

794 > La capitale devient Heian-kyō (actuelle Kyōto).

858-1160 > Domination de la famille Fujiwara.

1160-1185 > Période des Taira.

Époque Kamakura (1185-1333)

1185 > Le clan des Taira perd la bataille de Dan no Ura. Yoritomo Minamoto établit son bakufu (fief) à Kamakura.

1191 > Le moine Eisei enseigne le Zen.

1192 > Yoritomo Minamoto est nommé shōgun (général en chef des armées).

1219 > Assassinat du dernier shōgun Minamoto. Prise du pouvoir par les Hōjō, descendants du clan Taira.

1274 > Première attaque mongole repoussée au Kyūshū grâce à un typhon, le vent de kami ou kamikaze.

1332 > Takauji Ashikaga réinstalle le pouvoir à Kyōto au nom de l'empereur Go-Daïgo. La famille Hōjō est exterminée. Nouvelle dynastie du Shōgun Ashikaga.

Époque Muromachi (1333-1568)

1333-1392 > Période des cours du Sud et du Nord. Guerres civiles entre la cour du Nord, installée à Kyōto, et la cour du Sud, exilée dans le Yamato.

La cour du Nord est soutenue par les Ashikaga. Apogée du bouddhisme Zen, le Japon s'ouvre de nouveau à la Chine.

1467 > La construction du château d'Edo commence, là où se tient aujourd'hui le jardin est du Palais Impérial de Tōkyō.

1467-1477 > Guerre d'Ōnin. Démantèlement du pouvoir central. Apparition des daimyō, les seigneurs de province.

1524 > Hōjō Ujitsuna investit le château d'Edo, confirmant la suprématie de son clan sur les Uesugi.

1543 > Arrivée des Portugais à Tanegashima (armes à feu et christianisme).

Époque Momoyama (1573-1600)

Nobunaga Oda, puis Hideyoshi Toyotomi et enfin Ieyasu Tokugawa, entreprennent tour à tour de réunifier le pays.

1575 > Nobunaga Oda utilise les armes à feu contre la cavalerie des Takeda.

1587 > Interdiction du christianisme.

1590 > Ieyasu Tokugawa s'empare et occupe le château d'Edo.

1598 > Mort de Toyotomi Hideyoshi.

Époque Edo (1600-1868)

Edo (ancien nom de Tōkyō) devient la capitale politique du pays. Le shōgunat Tokugawa va s'installer pour une période de 250 ans.

1603 > Tokugawa devient shōgun et dirige le Japon depuis Edo. La ville connaît alors un rapide développement.

1616 > Mort d'Ieyasu Tokugawa.

1637 > La construction du château d'Edo, avec l'ajout d'une tour, est achevée.

1657 > Le mont Fuji entre en éruption. Des cendres sont projetées jusqu'à Edo.

1786 > Grand incendie à Edo.

1853 > Arrivée des navires du Commodore Perry à Uraga (baie d'Edo). Vacillement du pouvoir shōgunal.

1855 > Un tremblement de terre fait de nombreux morts et dégâts à Edo.

1858 > Traités de commerce avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et la France. Concessions accordées aux étrangers. Ii Naosuke, en faveur de l'ouverture du Japon sur le monde, est assassiné par un groupe de samouraïs.

1867 > Fin du shōgunat des Tokugawa. Yoshinobu Tokugawa, le dernier shōgun de l'histoire du japon, abdique et quitte Edo l'année suivante après une défaite contre des seigneurs régionaux favorables au retour de l'empereur.

Restauration Meiji, le Japon réformateur (1868-1912)

1868 > Abolition du shōgunat ; création de la presse. Début de la restauration Meiji. L'empereur Meiji décide de renommer Edo en Tōkyō (ndlr : capital de l'Est).

1869 > L'empereur Meiji déménage à Tōkyō, et fait du château de la ville, le palais impérial. Ceci effectué, la capitale n'a jamais été " officiellement " transférée de Kyōto à Tōkyō.

1871 > Un nouveau système administratif est décrété, mettant fin à l'organisation féodale appelée han.

1872 > La préfecture de Tōkyō s'étend et comprend désormais ce qui est délimité comme étant les 23 arrondissements de la capitale nippone. Une première ligne de train est construite sur plusieurs dizaines de kilomètres.

1885 > La première section de ce qui est aujourd'hui connu comme étant la ligne de train Yamanote est ouverte au public, entre les stations Akabane et Shinagawa. Les stations de Shibuya et Shinjuku sont alors construites.

1894-1895 > Guerre sino-japonaise. Victoire du Japon. Traité de Shimonoseki : le Japon reçoit Formose (actuel Taiwan), les îles Pescadores, et les presqu'îles du Liaodong.

1898 > L'ordre faisant de Tōkyō une ville spéciale est aboli. Tōkyō redevient une ville normale.

1904-1905 > Guerre russo-japonaise. La flotte russe est anéantie par l'amiral Tōgō, dans le détroit de Tsushima (entre le Japon et la Corée). Le traité de Portsmouth donne au Japon le contrôle du chemin de fer en Mandchourie, la moitié sud des îles Sakhaline et le Guandong.

1910 > Annexion de la Corée.

1912 > Mort de l'empereur Meiji. Son fils lui succède.

Ère Taishō " de la grande justesse " (de 1912 à 1925)

1914 > Première Guerre mondiale. Le Japon déclare la guerre à l'Allemagne.

1914 > Ouverture de la gare de Tōkyō.

1918 > Emeutes du riz. 200 000 paysans se révoltent. Grèves dans les mines et les chantiers navals.

1919 > Traité de Versailles. Le Japon reçoit les possessions allemandes du Pacifique au nord de l'équateur.

1920 > Le Japon entre à la Société des Nations (SDN).

1923 > Tremblement de terre à Tōkyō et Yokohama : 150 000 morts.

1925 > La ligne de train urbain Yamanote est désormais complète, avec l'ajout de la section allant de Kanda à Ueno.

Ère Shōwa " de la paix éclairée " (de 1926 à 1989)

1925 > Hiro-Hito accède au trône.

1927 > Le premier métro (ligne Ginza) est lancé.

1933 > Le Japon quitte la SDN. La Mandchourie devient un Etat japonais (le Mandchukuo).

1937 > Déclaration de guerre contre la Chine.

1940 > Pacte tripartite avec l'Allemagne et l'Italie (l'Axe).

1941 > Occupation de l'Indochine. Les Etats-Unis prononcent l'embargo sur le pétrole. Attaque de Pearl Harbor. Entrée en guerre des Etats-Unis.

1942 > Bataille de Midway, début du repli japonais. Tōkyō essuie l'assaut militaire " Doolittle ", le premier lancé par les Américains.

1945 > Bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août. Déclaration de guerre de l'Union soviétique le 8 août. Rescrit impérial mettant fin à la guerre le 15 août. Traité de Postdam le 2 septembre. Toujours en septembre, le général Douglas MacArthur établit les quartiers de l'occupation américaine dans la Tour 21 DN, qui domine le palais impérial. Les Américains en feront un point de chute logistique important pendant la guerre de Corée.

1945-1952 > Occupation américaine. Constitution de 1946. Monarchie constitutionnelle. L'empereur renonce à son ascendance divine. Traité de paix de San Francisco mettant fin à l'occupation américaine (septembre 1951).

1954 > Création des forces d'autodéfense. Pacte nippo-américain d'assistance pour la défense mutuelle.

1964 > Tōkyō et le Japon accueillent les Jeux Olympiques pour la première fois de leur histoire. (Une candidature a été déposée en 2008 pour l'organisation des jeux Olympiques en 2016).

1967 > Le PIB japonais devient le troisième produit national brut du monde après les Etats-Unis et l'URSS.

1968 > Les îles Ogasawara sont rendues au Japon. Elles sont associées à la région de Tōkyō.

1978 > L'aéroport international de Narita est inauguré.

1986 > Début de ce que les analystes économiques appellent la " bulle ". Le secteur de l'immobilier est au plus haut.

1989 > Décès de l'empereur de l'ère Shōwa, appelé Hiro-Hito en Occident.

Ère Heisei " de la paix accomplie "

1989 > Akihito, le 125e empereur, monte sur le trône.

1990 > La " bulle " éclate. Début de crise.

1993 > Première défaite du parti libéral démocrate (PLD) depuis 1954.

1995 > Tremblement de terre de Kōbe : plus de 6 000 morts. Attentat au gaz sarin de la secte Aum dans le métro de Tōkyō.

1998 > Keizō Obuchi est nommé Premier ministre. Le Japon connaît une augmentation très forte du chômage : 3 500 000 chômeurs.

2000 > Keizō Obuchi meurt brusquement. Une gestion douteuse de l'hygiène chez Snowbrand provoque l'empoisonnement de nombreux Japonais. Premier sommet Corée du Nord-Corée du Sud. Ouverture de la ligne de métro Oedo.

2002 > Deux Japonais reçoivent le prix Nobel de physique. La compagnie Tepco est accusée d'avoir dissimulé des dysfonctionnements graves : de nombreuses tranches nucléaires sont arrêtées. En 2002, le Japon organise conjointement avec la Corée du Sud la coupe du monde de football, dont la finale se joue à Tokyo.

2003 > Deux diplomates japonais victimes d'un attentat en Irak. La loi japonaise sur l'état de menace du pays est adoptée.

2004 > Trois otages japonais prisonniers de rebelles Irakiens sont relâchés. Accusé pour les attentats au gaz sarin dans le métro en 1995, Matsumoto est condamné à mort.

2005 > La victoire écrasante du Parti Libéral Démocrate aux élections sénatoriales se traduit par l'adoption du projet de loi sur la privatisation de l'activité des postes. Cette année est marquée par l'exposition universelle d'Aichi de mars à décembre, et par la dégradation croissante des relations sino-japonaises et sino-coréennes (Corée du Sud), en raison du recueillement du Premier ministre Koizumi au sanctuaire de Yasukuni, au Japon. Plusieurs émeutes anti-japonaises éclatent en Chine.

2006 > Les deux grands faits marquants de l'année sont la naissance du nouveau cabinet Abe, succédant au cabinet Koizumi en septembre et les essais nucléaires effectués par la Corée du Nord en octobre. En septembre toujours, la famille impériale est heureuse d'annoncer la naissance d'un garçon, premier héritier mâle de la famille impériale, d'autant que le gouvernement Koizumi penchait pour une primogéniture non masculine.

2007 > Abe Shinzō démissionne en septembre de son poste de Premier ministre, un après avoir constitué son cabinet. Son impopularité a raison de lui. Lui succède Yasuo Fukuda qui démissionne à son tour un an plus tard.

2008-2009 > Tarō Asō prend alors la direction du 92e cabinet ministériel. En mars 2009, les sondages dans la presse nippone ne lui donnent que 10 % d'opinion favorable, alors que le Japon connaît sa plus grave récession économique depuis 35 ans.

2009 > Au pouvoir de manière quasi continue depuis 1954, le PLD perd les élections face au Parti Démocrate du Japon (PDJ). Yukio Hatoyama devient Premier ministre, mais démissionne en juin 2010 pour laisser sa place à Naoto Kan, lui-même démissionnaire en septembre 2011 au profit de Yoshihiko Noda. La crise politique japonaise se poursuit malgré l'alternance démocratique.

2010 > La Chine devient officiellement deuxième puissance économique mondiale, devant le Japon.

2011 > Un tsunami gigantesque ravage les côtes du nord-est de Honshu, causant la mort de dizaines de milliers de personnes, des milliards de dégâts, et une crise nucléaire d'une ampleur considérable.

2012 > Grave crise diplomatique avec la Chine à propos des îles Senkaku (ou Diaoyu) consécutivement à la décision de Tōkyō de nationaliser ces îles.

2012 > Aux élections législatives de décembre, victoire écrasante du PLD qui reprend le pouvoir. Abe Shinzō redevient Premier ministre.

2013 > Le 7 septembre, Tōkyō gagne le droit d'organiser les Jeux olympiques d'été de 2020. Le 4 décembre, le Conseil de sécurité nationale se réuni pour la première fois pour discuter de la stratégie de sécurité nationale en réponse à l'instauration par la Chine d'une zone d'identification aérienne en mer de Chine orientale.

2014 > Les élections législatives anticipées du 14 décembre donnent la majorité absolue au parti de M. Shinzō.

2015 > Ariana Miyamoto, une hafu, comprenez " une pas tout à fait japonaise " est élue miss Japon. De mère japonaise et de père afro-américain, elle est née dans le sud de l'archipel et a représenté le Japon au concours de miss Univers.

2016 > L'empereur Akihito âgé de 82 ans évoque son abdication.

2016 > Barack Obama est le premier président américain en exercice à se rendre à Hiroshima.

Shinzō Abe a effectué la première visite officielle d'un chef de gouvernement japonais à Pearl Harbor.

2016 > Aucune avancée concrète n'a été trouvée à propos des îles Kouriles après la visite de Poutine au Japon lors du sommet de Nagato.

Des origines à nos jours

Le nom du Japon, qui se dit Nihon ou Nippon (日 本) signifie littéralement l' " origine du soleil ". On peut donc donner comme signification à ce nom " le Pays du soleil levant ", et c'est cette traduction qui est la plus souvent retenue. C'est d'ailleurs lors des premiers échanges commerciaux avec la Chine que cette appellation fut introduite, alors que les Japonais de l'époque désignaient leur pays sous le nom de Yamato.

De 50 000 à 11 000 av. J.-C.

L'analyse d'ADN de mitochondries a révélé que le Japon a commencé à être habité par l'Homme il y a de cela 50 000 ans et que l'Homo japonicus moderne serait un mélange des peuples de l'époque Jōmon (peuplades venues du continent - Eurasie orientale et même Europe - dans l'antiquité et occupant le Japon à l'origine) et Yayoi (peuplades venues de Chine et de Corée).

Époque Jōmon (11 000 à 300 av. J.-C.)

L'époque de Jōmon est considérée par les Japonais comme la forme fondamentale de leur civilisation, le terme de " Jōmon " désigne les motifs appliqués (-mon) de cordes () que l'on trouve fréquemment sur les poteries de cette époque. Les archéologues s'accordent à dire que les plus vieilles poteries du monde se trouvent au Japon.

Jōmon primitif : les Hommes sont sédentaires et vivent à proximité des côtes, principalement de pêche et de cueillette.

Jōmon moyen : civilisation du bois et du végétal. Les Hommes commencent à travailler les fibres végétales. Apparition de la hache à lame verticale, des arcs et des flèches, ainsi que des figurines en terre.

Jōmon tardif : apparition de l'agriculture.

Depuis quelques temps, les Japonais regardent l'époque de Jōmon avec une certaine nostalgie. Durant 10 0000 ans, le Japon a vécu paisiblement sans guerre ni conflit, et avait un mode de vie équilibré et un niveau culturel très avancé. Par exemple, les poteries de cette période sont beaucoup plus belles et plus variées que celles venues du continent à la période suivante, l'époque Yayoi. Les poteries trouvées dans les vestiges Jōmon portent encore des restes d'algues laminaria (varech).

On suppose que ces algues étaient utilisées pour donner un fond, un assaisonnement aux plats bouillis ou cuits. Bref, il y a quelque 12 000 ans de cela, les Japonais ne mangeaient pas cru. Ils ne faisaient pas simplement cuire la viande, le poisson ou les plantes pour se nourrir. Ils avaient déjà un art de donner du goût aux aliments, c'est-à-dire qu'ils possédaient une culture culinaire.

Dans les fouilles du vestige de Sannai Maruyama (département d'Aomori), une " pochette Jōmon " (soit un petit sac réalisé par maillage de fibres végétales apparentées au riz et finies à la laque) a été retrouvée, ainsi qu'une route de 15 mètres de large menant à la mer, impliquant une technologie de génie civil assez élaborée. Pour se rendre compte du niveau de culture antique du Japon, et renverser le préjugé selon lequel le Japon serait une culture jeune qui doit tout à la Chine, il est intéressant de faire un (long) détour jusqu'aux vestiges de Sannai Maruyama.

Époque Yayoi (300 av. J.-C.-300 apr. J.-C.)

La période Yayoi tient son nom de l'important site archéologique de Yayoi-Chō. Les populations du Jōmon tardif furent refoulées dans les montagnes et dans le nord du Honshū et de Hokkaidō par des vagues migratoires venues du continent. Cette époque se caractérise par l'introduction de nouvelles techniques comme la riziculture, la métallurgie du fer et du bronze, le tour du potier et la pierre finement polie. C'est de cette époque que datent les premières tensions sociales : différences de richesse, de position sociale des individus et tensions entre les villages. Le regroupement de ces communautés donne naissance à la première forme de ce qu'on peut appeler un pays.

Époque Kofun (300-552)

Cette époque a été marquée par l'apparition de quatre pays (koku), en l'occurrence le Yamai-koku, le Bunshin-koku, le Daikan-koku et le Fusō-koku (énumérés du sud au nord). Les habitants du Fusō-koku avaient coutume de se désigner eux-mêmes par l'appellation Hinomoto (traduit par " soleil levant " du fait des caractères chinois qui leur sont attribués, mais ayant aussi le sens de " lié à l'origine des choses ". Tel est le véritable message que les Japonais portent sur leur identité). Une large influence coréenne culturelle et, selon certains historiens, politique, se fait sentir. Elle se traduit notamment par la construction d'immenses sépultures (ou kofun) en forme de " trou de serrure " pour ensevelir les chefs. Autour des kofun sont disposées des figurines appelées Haniwa. Le plus ancien et le plus grand kofun japonais est celui de l'empereur Nintoku, connu pour avoir exempté le peuple de toute taxe pendant trois ans. Ce tumulus est la plus grande tombe connue au monde (plus grande que les pyramides). Il fait 480 mètres de long et 305 mètres de large. Si l'on transpose en camions de 5 tonnes la quantité de terre amoncelée, cela fait plus de 560 000 camions, ou en travail manuel quatre années de travail pour 1 000 personnes. Au Ve siècle, émerge la puissante cour du Yamato (au nord-est d'Ōsaka). Cette dynastie centralisatrice fédère d'abord les clans guerriers de la région avant de contrôler presque tout le pays, à l'exception du Nord où vivent les Ainu.

Époque Asuka (552-710)

L'époque Asuka voit l'émergence du Japon, c'est-à-dire du regroupement des quatre pays autour d'un Etat fédérateur et militairement puissant, le Fusō-koku, et d'une capitale, la ville d'Asuka.

Le prince Shōtoku Taishi est nommé régent. Il décrète le bouddhisme comme religion nationale et édicte une constitution en 17 articles en l'an 604. On lui attribue également une réglementation des fonctionnaires d'Etat, le premier registre foncier du pays et le premier système fiscal. C'est de cette époque que date la séparation entre pouvoir et dignité (accréditation) du pouvoir, en l'occurrence la personne de l'empereur.

A la mort de ce régent dont la légende rapporte qu'il pouvait écouter simultanément quatre personnes à la fois et leur répondre (!), le pays plonge dans une période de grande instabilité et d'intrigues politiques. En 645, le clan Nakatomi, aussi connu sous le nom de Fujiwara, fait un coup d'Etat et lance les grandes réformes de Taika (centralisation à la chinoise).

La particularité de l'époque Asuka doit être attribuée au prince Shōtoku Taishi. Ce régent éclairé a maintenu une double position par rapport à la Chine. Il importa le bouddhisme (durant l'époque Asuka, de nombreux émissaires sont partis en Chine pour étudier et rapporter de précieux textes bouddhistes), tout en affirmant clairement l'identité culturelle du Japon.

A ce titre, Shōtoku Taishi envoya au monarque chinois de l'époque une lettre dont le titre est bien connu : Lettre de l'Ambassadeur céleste du pays du Soleil Levant à l'Ambassadeur céleste du pays du Soleil Couchant. Dans son contenu, cette lettre montre clairement une attitude de souveraineté que seul le Japon eut en Asie.

On se doute que l'accueil réservé à ce message fut peu enthousiaste, bien qu'il ne contienne pas de provocation. Le prince d'un petit pays comme le Japon se qualifie d'envoyé céleste sur un pied d'égalité, et qui plus est, qualifie la Chine de pays du Soleil Couchant ! La colère chinoise devant cette attitude reste en toile de fond des relations sino-japonaises. Elle explique les efforts que la Chine a faits par la suite pour annexer le Japon à son Empire (deux attaques en 1274 et en 1281), mais aussi le reste de l'histoire entre les deux pays.

Époque Nara (710-794)

Alors que l'Antiquité est marquée par le développement de nombreux petits pays, l'époque d'Asuka (552-710) marque une étape significative dans l'unification du pays, sous le nom de Fusō-koku. A l'époque suivante, la centralisation étatique se renforce peu à peu, sur le modèle chinois. La capitale, Heijōkyō, dont l'actuelle Nara n'est que le faubourg oriental, est tracée selon le plan en damier de la capitale des Tang. Les échanges culturels et commerciaux entre le Japon et la Chine se développent. Cette période est considérée comme le premier âge d'or de l'art japonais. Afin d'éviter l'influence du clergé bouddhique de Nara, l'empereur Kammu choisit un nouveau site pour établir la capitale, à 50 km au nord : Heian-Kyō qui n'est autre que l'actuelle Kyōto. Elle restera résidence impériale pour plus de mille ans (794-1868).

Époque Heian (794 à 1185)

Les grands propriétaires terriens du clan Fujiwara détiennent le pouvoir réel, notamment en mariant leurs filles aux empereurs. En 1068, l'empereur Go-Sanj tente de reprendre le pouvoir en écartant les Fujiwara et en créant le gouvernement retiré (Insei). Deux clans opposés vont alors se battre, les Taira et les Minamoto. Ces derniers emportent une bataille décisive en 1185 à Dan no Ura et installent le siège de leur autorité à Kamakura, tandis que la cour demeure à Heian, impuissante mais officiellement respectée.

L'époque de Heian est aussi un grand âge d'or du bouddhisme. Deux moines, Saichō et Kūkaï, font le voyage en Chine et reviennent fonder les sectes Tendaï et Shingon. Selon les écrits officiels, Kūkaï ramène avec lui un nouveau syllabaire qui permettra aux femmes de la cour, qui n'écrivent pas avec les idéogrammes chinois, de créer une nouvelle littérature japonaise. Les arts (peinture, sculpture, architecture) s'épanouissent. Mais le raffinement de la vie de cour entraîne la corruption.

Époque Kamakura (1185-1333)

Après s'être débarrassé de son demi-frère Yoshitsune, Yoritomo Minamoto décide de quitter la capitale et d'installer son gouvernement militaire (bakufu) à Kamakura, en 1192. L'empereur lui donne le titre de Sei-i-Tai-Shogun (généralissime pour la soumission des barbares). Eloigné de la capitale, Yoritomo n'a de cesse de faire entériner ses décisions par l'empereur. Pourquoi Yoritomo Minamoto a-t-il installé un Bakufu à Kamakura ? A cette époque, la politique du pays était entre les mains des nobles, mais il était devenu clair pour Minamoto que le Japon ne pourrait plus être géré par cette classe.

Le Bakufu de Minamoto a été créé avec des guerriers issus du monde paysan, c'est-à-dire des paysans qui étaient gardiens ou gardes du corps des maisons de nobles. Mais le Japon contenait encore beaucoup de familles de nobles possédant leurs propres armées ici et là.

Pour les contrôler, Yoritomo a donné le titre de shugo (protecteurs) à des guerriers de son clan. Ils étaient chargés de contrôler administrativement les provinces. Il créa un autre corps de fonctionnaires, les jitō (chefs terroirs) amenés à prélever une taxe sur les terres.

Cette administration devient la colonne vertébrale de la nouvelle féodalité. A la mort de Yoritomo en 1199, le pouvoir revient à la famille Hōjō, qui apportera à Kamakura un nombre considérable de terres de la région du Kansaï (Ōsaka).

Les Mongols, devenus maîtres de la Chine et de la Corée, attaquent le Japon par deux fois, en 1274 et 1281. Le concours providentiel d'un typhon (kamikaze ou vent-kami - " vent divin " -) sauve les Japonais. Mais les Hōjō vainqueurs ne peuvent récompenser ceux qui se sont battus pour eux et perdent ainsi le soutien des familles de guerriers.

La période Kamakura se caractérise par une esthétique sobre, des thèmes s'inspirant des moeurs guerrières de l'époque et par l'introduction de la doctrine bouddhiste Zen. Fondé sur la maîtrise de soi et la quête personnelle du salut, le Zen compte de nombreux adeptes au sein des familles de guerriers.

Époque Muromachi (1333-1568)

Les arts se développent sous l'influence du Zen : le , l'art des jardins, l'architecture, la peinture, la sculpture, l'Ikebana et la cérémonie du thé. Le Japon s'ouvre à nouveau sur l'extérieur et multiplie les échanges commerciaux avec l'Asie continentale. Alors que la vie culturelle est brillante et que le commerce prospère, le pays sombre dans l'anarchie.

Le nouvel empereur Go-Daigo s'appuie sur Takauji Ashikaga pour évincer le bakufu de Kamakura. Takauji Ashikaga installe son bakufu à Kyōto, dans le quartier de Muromachi, et se fait nommer shōgun. Il décide de gouverner à la place de l'empereur. Cette décision entraîne la création d'une double cour impériale : celle du Nord, contrôlée par Ashikaga, et celle du Sud, contrôlée par les légitimistes qui veulent restituer le pouvoir à l'empereur Go-Daigo.

Après de nouvelles révoltes paysannes et l'assassinat du shōgun en 1489, une " guerre de cent ans " éclate. Elle se terminera en 1576. Pendant cette période d'anarchie, on assiste à une lutte entre les seigneurs et à l'émergence d'une nouvelle classe sociale, les daimyōs, qui règnent sur leurs terres en suzerains et prennent le contrôle de régions entières.

Époque Momoyama (1573-1598)

Nobunaga Oda, originaire de la région de Nagoya, défait un à un les seigneurs sur son passage et aspire à devenir shōgun dans la cité impériale, Kyōto. Pour pacifier le Japon, il est aidé par deux généraux, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa, mais trahi par l'un de ses vassaux, il est contraint au suicide en 1582. Hideyoshi continue l'entreprise pacificatrice de Nobunaga Oda en conquérant le Kyūshū, puis la plaine d'Edo (où se trouvera plus tard Tōkyō), et enfin le Tōhoku. En 1590, le pays est sous sa tutelle.

Edo et le Japon féodal (1453-1868)

La ville d'Edo est fondée en 1453 par Dōkan Ota, guerrier vassal des Uesugi, apparentés aux Fujiwara. Il y édifie un château. En 1600, Ieyasu Tokugawa, un des lieutenants de Hideyoshi, s'assure une victoire définitive sur les grands féodaux à la bataille de Sekigahara, et en 1603, installe son bakufu à Edo (ancien nom de Tōkyō). Il en fait une citadelle où s'édifie le Jōka-machi, la Cité sous le château. Cette organisation permet alors de contrôler socialement le développement démographique qu'entraîne la résidence du shōgun à Edo.

Le nouveau shōgun veut que le système gouvernemental lui survive. Aussi transmet-il sa charge de shōgun à son fils et massacre-t-il les Toyotomi, les proches de Hideyoshi, en 1615. Le shōgun constitue l'autorité suprême. Les daimyōs qui doivent administrer les régions soumises sont étroitement surveillés : leurs alliances et mariages sont contrôlés. Ils doivent vivre un an sur deux à Edo, tandis que leur famille y est assignée à résidence. Le shōgun met en place un véritable réseau d'espions à l'intérieur du Japon. Les chrétiens (600 000 environ) sont traqués, puis expulsés en 1615. Le Japon se ferme à toute influence étrangère dès 1635. A l'intérieur, la même année, le sankin-kōtaï, ou l'obligation faite aux vassaux de résider au moins une année sur deux à Edo, est mis en place. Il attire une foule d'artisans et toutes sortes de métiers. Les daimyōs et les samouraïs occupent la cité autour du palais impérial ou sur les pentes des collines de la ville haute de Yamate, c'est-à-dire " main de la montagne ", tandis que les artisans et marchands (shōnin) s'installent dans la ville basse, Shitamachi.

Alors que plus de la moitié de la population ne peut investir que 15 % du territoire de la ville, on gagne du terrain en asséchant la plaine des roseaux, Yoshiwara, qui deviendra le quartier des plaisirs, dans le Taitō-ku (arrondissement de Taitō). Ainsi, la ville est divisée en deux : ville basse au contact de la mer, établie autour du port, et ville haute où s'installent les résidences des nantis.

Après une révolte de paysans, appuyée par les chrétiens en 1637, le shōgun interdit à tout Japonais de se rendre à l'étranger sous peine de mort. Seuls les Hollandais ont le droit de commercer dans l'île de Dejima, à Nagasaki.

Pour faciliter le commerce intérieur, le shōgunat trace de grandes routes et lève les barrières d'octroi. Les grandes voies sont défendues par des châteaux forts. Les villes se développent et la classe des shōnin (marchands et citadins) émerge. Une nouvelle culture voit le jour : Edo devient la capitale du " monde flottant " (ukiyo), des plaisirs et de l'éphémère, avec le kabuki, l'art des estampes (Ukiyo-e), l'art des geishas, le théâtre de marionnettes bunraku...

Une ville codifiée. La cité sous le château organise alors une ville qui devient peu à peu le réseau urbain extrêmement codé de la vie sociale. En haut se trouve la noblesse qui dispense le pouvoir, puis viennent les daimyōs et leurs samouraïs, les fermiers et enfin les marchands et artisans. Les échanges entre classes sociales sont prohibés, les quartiers dûment séparés, les langages et les marques de politesse codifiés.

Les shōnin constituèrent une véritable classe sociale à partir du XVIe siècle et l'on peut dire qu'elle correspond au développement urbain. Au départ, les marchands et artisans (shokunin) ne ravitaillaient que les seigneurs et les guerriers. Peu à peu, s'ajoutèrent paysans et serviteurs. Paysans et guerriers (bushis) ne pouvaient exercer d'activité commerciale selon les lois shogounales sous peine d'être rétrogradés. Les bushis obéissaient à une hiérarchie très stricte : daimyō, hatamoto, gokenin, hanshi, etc.

Les Tokugawa contrôlent les daimyōs afin de décourager toute tentative de sédition ou de rébellion. Les mariages entre familles de daimyōs sont surveillés et une catégorie spéciale de fonctionnaires, les metsuke, ont pour rôle de dénoncer ceux qui échappent aux servitudes de l'Etat : il s'agit donc d'une véritable police politique. Dès 1635, la pratique du sankin-kōtai (le système de résidence alternative) oblige les daimyōs à laisser femme et enfants en otage au shōgun. Une surveillance des entrées et sorties de la cité s'exerce sur les routes afin d'empêcher la fuite des familles détenues. De même, cette surveillance s'exerce sur les entrées de la ville par où pourraient pénétrer des armes à feu. Cette politique encourageait les daimyōs à constituer d'incessantes processions qui devinrent une réalité quotidienne sur les grandes routes comme le Tōkaïdō.

Exclusion sociale et évolution des marchands. En fait, les Tokugawa vont appliquer les théories sociales du confucianisme qui distingue quatre niveaux dans la hiérarchie : les guerriers administrateurs, les paysans, les artisans et enfin les marchands. Les bushis portent deux sabres, l'un court et l'autre long, et n'ont pas le droit de se mêler aux autres organisations sociales. Pour faire face aux charges de leur mission, les daimyōs s'efforcèrent d'augmenter la production de riz et de toutes les activités agricoles.

Peu à peu, alors que la noblesse comptait encore en termes de terre et de rendement en koku de riz (unité de mesure correspondant à plus de 180 litres, soit la quantité nécessaire pour nourrir une personne pendant un an), la ville d'Edo avait déjà jeté les bases d'une économie de marché. Une économie monétaire commença à se développer dans l'archipel. Et bientôt, ceux-là même qui constituaient la classe la plus basse dans la hiérarchie allaient contrôler la vie économique. L'endettement des daimyōs dû à la politique trop rigide du shōgun les contraignit bientôt à emprunter de l'argent aux marchands. L'enrichissement de ces derniers allait donner naissance à une culture populaire, dans les quartiers de Shitamachi où parfois samouraïs et daimyōs venaient à présent s'encanailler, loin du mépris de l'aristocratie.

Le monde flottant. Le quartier du monde flottant (ukiyo) allait devenir la source de nouvelles formes d'art, de la littérature au théâtre et de la céramique aux estampes. C'est autour de Yoshiwara que vont se développer le kabuki et le bunraku et c'est également dans le quartier des plaisirs que s'épanouissent les geishas. On voit apparaître une défiance à l'égard du pouvoir et de l'aristocratie, en même temps que du mépris et de l'ironie. Les marchands prirent assez rapidement conscience de leur identité de bourgeois dans la mesure où ils étaient avant tout une catégorie de gens vivant et consommant en ville.

On commença à voir s'établir des fortunes comme celle des Mitsui, vendeurs de saké, ou des Shimomura, qui exerçaient un monopole sur les transactions financières mais surtout sur le prêt et l'usure. A la fin du XVIIIe siècle, la culture de la ville se définit tout particulièrement par la recherche de l'iki (le chic) et du tsū (le connaisseur).

De même, le théâtre va jouer un rôle important dans l'affranchissement de la culture populaire. C'est maintenant dans la ville que se jouent les théâtres de marionnettes. Et c'est également sur scène que sera interdit le kabuki car les actrices et acteurs se livraient joyeusement à la prostitution.

Celle-ci d'ailleurs s'était largement répandue dans le quartier ad hoc (Kuruwa). Le terme de kuruwa signifie ce qui entoure, murs, remparts ou palissades. Le quartier chaud était effectivement entouré d'une palissade, d'où son nom. Le quartier des plaisirs, déplacé depuis 1657 non loin d'Asakusa, devint une source inépuisable pour le théâtre, la littérature et les arts. C'est également à cette période qu'apparaissent des sharebon, qui deviendront au fil du temps non seulement des " livres plaisants " mais encore des sortes de guides.

C'est dans ce monde flottant, où évoluent les dandys et les courtisanes, qu'allaient apparaître le spectre de l'effondrement du shōgunat et l'arrivée fracassante de la modernité.

Tōkyō nouvelle capitale (1868)

La conscience de son infériorité en matière de flotte de guerre oblige le shōgun à accepter assez rapidement ce que l'empereur et la cour refusent, à savoir la concession d'accès à deux ports pour les Américains en 1853 et la présence d'un consul à Shimoda. En 1858, il signe de nouveau, sans l'aval de l'empereur, un contrat avec les Américains, suivi bientôt par d'autres avec la Russie, l'Angleterre, l'Allemagne et la France. Ces contrats, qui interviennent après une période d'isolationnisme s'étendant de 1639 à 1853 (sakoku-rei), entraînent des manifestations de xénophobie. Ces diverses réactions sont à l'origine d'une guerre civile.

Trois clans du Sud du Japon, les clans de Satsuma, Chōshū et Tosa, se révoltent contre la volonté du bakufu de s'ouvrir à l'étranger et créent avec le soutien de l'empereur le mouvement Sonjōi (respect de l'empereur - élimination des étrangers). Fait paradoxal, alors que ces partisans de la restauration de l'empereur et de la fermeture du pays battent les troupes du bakufu shōgunal en 1864, petit à petit, ils constatent d'eux-mêmes la supériorité militaire des étrangers et comprennent l'intérêt d'ouvrir le Japon au monde occidental de peur de se faire massacrer. Simplement, ils considèrent qu'un gouvernement comme celui des Tokugawa, c'est-à-dire uniquement militaire, n'est pas apte à contrôler le pays pour l'époque qui s'annonce. Ils pensent que la société japonaise doit être revue complètement. A ce titre, la restauration de Meiji qui suit, peut être qualifiée de " révolution de Meiji " car la structure même de la société changera complètement. Un détail, c'est à cette époque que le fameux sanctuaire Yasukuni est créé pour que les soldats japonais morts dans cette guerre civile puissent reposer en paix. Les daimyōs et samouraïs ambitieux fomentent un coup d'Etat en janvier 1868 afin de rétablir la puissance impériale après que 2 000 loyalistes ont tenté d'empêcher l'armée impériale de rétablir l'ordre. Ce fut la bataille d'Ueno. L'empereur Mutsuhito s'installe en 1868 à Edo nommée Tōkyō, la capitale de l'Est.

La restauration Meiji (1868-1912)

Une véritable course contre la montre s'engage pour que le Japon se donne les moyens d'entrer décemment dans le manège, notamment colonial, de l'époque. En 1871, on réforme le système monétaire en imposant le yen. En 1872, on crée le premier chemin de fer entre Tōkyō et Yokohama. Une série de réformes radicales met le Japon dans le sillage des grandes puissances. Il faut réorganiser à la fois l'Etat depuis Tōkyō, le commerce intérieur et le commerce extérieur. La première Constitution japonaise est promulguée en 1889. L'empereur garde le pouvoir suprême et commande les armées. Le Parlement est constitué de deux chambres : la chambre des représentants (élus au suffrage censitaire), et la chambre des pairs (nommés par l'empereur). Tandis que les transports et l'électricité se développent, le Japon exporte de la soie. Sur le plan intérieur, les terres sont redistribuées et les biens des religieux deviennent propriétés d'Etat.

Quelques années plus tard, les zaibatsu (conglomérats financiers et industriels), nés de la volonté de l'empereur de concentrer la puissance financière, se développent, au point de concurrencer, les grands pays européens et les Etats-Unis. Pendant ce temps, militaires et libéraux s'opposent pour le pouvoir intérieur. C'est dans ce contexte que l'empereur décède en 1912.

Pendant la révolution de Meiji, la modernisation de la société génère de nombreux mouvements de rejet de l'Occident et de ses valeurs, qui plaident en faveur d'un retour aux traditions. A cela s'oppose une tentative de copier les puissances occidentales, non par admiration, mais pour éviter de tomber sous leur joug, comme la Chine à la même époque. Le slogan japonais nationaliste de l'ère Meiji trouve son origine dans un bref essai de Yukichi Fukuzawa publié en 1885, intitulé Quitter l'Asie, qui traduit la détermination d'en finir avec un monde centré sur la Chine, sa politique et son idéologie confucéenne. L'auteur propose de rejoindre l'Europe, c'est-à-dire faire du Japon un Etat-nation sur le modèle européen. Cet essai et le slogan " Quitter l'Asie, rejoindre l'Europe " qui l'accompagne ont un impact considérable sur la modernisation du Japon, qui se découvre par la même occasion des prétentions à l'extérieur, comparables aux empires coloniaux européens. Dans les années qui suivent, les changements très visibles du Japon voient apparaître des mouvements plus nostalgiques. Le célèbre roman de Nastume Soseki, Botchan, publié en 1905, témoigne des difficultés à accepter une transformation de la société et l'abandon de traditions ancestrales.

Le Japon à l'heure de la guerre extérieure (1894-1945)

L'histoire contemporaine, de Meiji jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, décrit le Japon comme un pays agresseur et colonisateur. Certains historiens et écrivains japonais et étrangers voient les choses d'un autre oeil.

La guerre sino-japonaise éclate en 1894, se soldant par une défaite pour les Chinois. Très peu de temps après, en 1904, le Japon affronte la Russie. Vus du côté japonais, ces conflits sont deux guerres d'autodéfense contre la pression d'une Chine dominée par une administration corrompue et manoeuvrée par les intérêts colonisateurs britanniques et allemands d'une part, et contre le retardataire tsariste qui cherche à s'approprier l'Asie d'autre part.

Sur les territoires alors conquis, que ce soit pour la Corée, Taïwan, ou la Mandchourie, le Japon ne met pas ces pays dans un collimateur de prédation, contrairement au colonialisme classique. Il y développe des infrastructures, construit des routes, des chemins de fer et des adductions d'eau. Ces zones sont traitées avec les mêmes égards que le territoire japonais lui-même. Elles font partie intégrante du pays.

Epoque Taishō (1912 à 1926)

Au début de la Première Guerre mondiale, le Japon entre en guerre conformément à la demande de l'Angleterre. Le Japon occupe Chingtao et Port Arthur. Rapidement, de nombreux soldats allemands sont faits prisonniers. Ils sont acheminés au Japon dans un camp, à Tokushima où ils ont très bien été traités. Les échanges culturels entre les prisonniers et la population japonaise locale restent dans les mémoires.

En 1915, le ministre japonais des Affaires étrangères envoie un ultimatum à la Chine. Il se présente sous la forme de vingt et une demandes, qui exigent la présence de conseillers militaires et économiques japonais sur le territoire. Le concert des puissances de l'époque s'oppose à cet ultimatum, tout comme la Chine.

En 1918, éclatent à Tōkyō et dans de nombreux endroits, les émeutes du riz causées par une forte augmentation du prix de la céréale et par la volonté d'intervenir militairement en Sibérie, comme les Etats-Unis, l'Angleterre, la France et l'Italie, afin de s'opposer au bolchevisme naissant.

Les années vingt sont marquées par un malaise social et des difficultés économiques. La culture de masse de type occidental, la diffusion du marxisme et le syndicalisme apparaissent. Le Parti communiste est créé en 1922 et les grèves se succèdent. C'est dans un climat survolté que le tremblement de terre du 1er septembre 1923 détruit Tōkyō et Yokohama, causant plus de 150 000 morts. La loi martiale est décrétée. Les anticommunistes et anti coréens se déchaînent et des émeutes font plusieurs milliers de morts. Le tremblement de terre provoque de nombreuses faillites et, malgré le suffrage universel appliqué en 1925 et l'arrivée au pouvoir des libéraux, les nationalistes vont peu à peu s'imposer.

Époque Shōwa (1926-1989)

Hiro-hito succède à son père défunt en 1926 et nomme son règne Shōwa (ère de la paix éclairée). Les difficultés économiques et sociales que connaît le Japon sont accrues par la crise de 1929. Les industriels et les militaires se montrent de plus en plus sensibles aux discours ultranationalistes et militaristes, selon lesquels la conquête de territoires permettrait de s'approvisionner en matières premières, de relancer la production japonaise et de résoudre le problème de la surpopulation par l'émigration.

Ces idées ne sont pas entièrement fausses, mais restent réductrices. Il suffit de regarder une carte de l'Asie dans la première moitié du XXe siècle pour se rendre compte qu'à part le Japon, il n'y a plus aucun Etat indépendant dans cette zone, à l'exception de la Thaïlande. Tous les autres pays sont colonisés par les pays occidentaux, ou étaient sous le contrôle de gouvernements fantoches. Dans ce contexte, le Japon fait le constat suivant : la seule voie de survie est de se doter d'une structure autonome pour rester indépendant.

Plusieurs années plus tard, le Général Mac Arthur, général en chef des forces d'occupation américaines, reconnaîtra devant le Sénat américain que " le Japon n'est pas entré en guerre dans le but d'agresser les Etats et de les envahir ".

Il faut reconnaître que le Japon, seul Etat asiatique à s'ouvrir vers l'Occident (sous sa pression) est le seul à vouloir prendre la forme d'un État moderne dès 1868.

L'incident du Pont Marco Polo en 1937 est utilisé comme prétexte à une invasion de la Chine continentale au départ de la Mandchourie. Cette énième machination de Tōkyō déclenche une offensive de grande ampleur, avec des résultats catastrophiques sur le plan humain. Pour de nombreux historiens, la Seconde Guerre mondiale a débuté en Asie, avec l'invasion de la Chine par les troupes impériales japonaises. Cette invasion sera la plus meurtrière de l'histoire, la Chine comptant un total de près de 20 millions de victimes, frappées directement ou non par la guerre. Le massacre de la capitale chinoise, Nankin, est le symbole de cette barbarie qui encore aujourd'hui perturbe les relations diplomatiques entre les deux pays.

En 1938, le gouvernement japonais Konoe déclare la construction d'un " Nouvel ordre en Asie orientale ", l'ordre Nichi-man-ka (Nichi : Japon, Man : Mandchourie, Ka : Chine). Dans la ligne de cette déclaration, le Japon présente en 1940 un nouveau concept qui inclut l'Asie du Sud-Est : " remplacer le contrôle colonial du concert des puissances occidentales par un nouvel ordre de coexistence et de coprospérité en Asie ".

Cette explication permet déjà de nuancer un peu les intentions d'agresseur que l'on a prêté au Japon depuis Meiji. Après s'être retiré de la SDN en 1933, le Japon est conscient qu'il est désormais en opposition avec les États-Unis sur la Chine et sur l'ordre des choses en Asie. Pour cette raison, il cherche à éviter la guerre avec les Américains. Pour sortir de son impasse de cavalier seul, le Japon choisit la voie de l'Axe, l'Alliance trilatérale nippo-germano-italienne en 1940 sous l'action de son ministre des Affaires étrangères, Yōsuke Matsuoka. Il signe un pacte de non-agression avec l'Union soviétique en 1941. Malheureusement, cela se retournera contre lui. Ces efforts n'ont pas pour effet d'endiguer l'opposition des Etats-Unis envers le Japon, mais de la rendre plus profonde. Washington décrète l'embargo du pétrole sur le Japon.

Sur le conseil de Winston Churchill, le secrétaire d'Etat américain Cordell Hull envoie au Japon une lettre d'ultimatum, la fameuse " lettre de Hull " qui explique quelles sont les conditions demandées par les Etats-Unis pour éviter la guerre. " Le Japon doit retirer de Chine et d'Indonésie toutes les forces militaires et policières dont il dispose ". Le Japon considère alors qu'il n'a plus d'autre choix que d'entrer en guerre.

Le fondement des hostilités japonaises était de s'opposer au contrôle colonisateur des pays occidentaux, sous l'étendard d'un principe : " unis sur toute l'Asie ", principe qui défend l'idée que tous les Hommes font partie d'une même famille et qu'il n'y a pas de différence à faire. Sur la base de ce principe, le Japon propose d'établir une " zone de coprospérité asiatique ". C'est le fondement moral défendu par près de cent millions de Japonais en 1940.

Deux éléments ont, de façon décisive, renforcé le nationalisme japonais s'appuyant sur le rejet des occidentaux. D'abord, la guerre russo-japonaise de 1904-1905, qui se solde par la première victoire d'une puissance asiatique sur un empire européen, conforte un nationalisme fondé sur l'idée que le Japon est parvenu au même niveau que les " barbares " occidentaux admirés depuis cinquante ans pour leur supériorité technique et militaire. Cette victoire marque l'entrée officielle du Japon dans le cercle des grandes puissances et des empires coloniaux, là où les accords passés avec la Chine quelques années plus tôt sur le contrôle de Taïwan n'avaient pas eu le même écho. A partir de 1905, le Japon est une puissance coloniale, avec des possessions sur Taïwan et la péninsule coréenne (depuis le traité de Shimonoseki en 1895), et en Mandchourie (après le traité de paix de Portsmouth en 1905). Ces possessions sont le résultat de victoires militaires japonaises face à ses voisins, la Chine et la Russie.

Ensuite, les conséquences de la Première Guerre mondiale exacerbent les mouvements nationalistes japonais, frustrés de voir les puissances occidentales s'obstiner à refuser de les traiter d'égal à égal. Ce sentiment d'injustice monte en puissance dans les années 1920, et l'hostilité à l'égard de l'Occident se centre rapidement sur les Etats-Unis qui refusent, de concert avec le Royaume-Uni, l'adoption demandée par le Japon d'une clause garantissant " l'égalité raciale entre nations " à l'occasion du Traité de Versailles. Les lois restreignant l'immigration japonaise aux États-Unis dans les années 1920 renforcent un sentiment antiaméricain qui permet aux mouvements nationalistes de trouver un écho de plus en plus favorable dans la société japonaise. En France, les milieux d'intellectuels japonais attirent dès cette époque l'attention sur les rivalités entre Tōkyō et Washington dans des textes parfois prophétiques. L'impérialisme japonais est rapidement considéré comme une menace pour les territoires américains dans la région, comme les Philippines. La possibilité de voir les desseins expansionnistes japonais se porter vers la côte Ouest des Etats-Unis est même un des éléments par lesquels Washington prend au sérieux la menace japonaise. Dans ces conditions, les études publiées avant le début de la guerre s'avèrent utiles pour comprendre les rivalités entre puissances, et les enjeux susceptibles de dégénérer en conflits ouverts, et replacent ainsi la guerre du Pacifique, officielle à partir de l'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et la déclaration de guerre du Japon aux Etats-Unis qui suit, dans son contexte. Cette attaque surprise permet aux Japonais de conquérir toute l'Asie du Sud-Est. De décembre 1941 à mars 1942, le Japon envahit Singapour, Hong Kong, Manille et l'Indonésie. En mai, toute l'Asie du Sud-Est est contrôlée. A partir de septembre 1942, les Américains parviennent à reprendre les îles du Pacifique pour accoster aux Mariannes, les Philippines et débarquer à Okinawa.

Durant les deux années 1944-1945, les bombardements sur toutes les grandes villes japonaises, excepté Kyōto, grâce à l'intervention d'un professeur français de Harvard, vont affaiblir le Japon et le conduire à la défaite. Tōkyō est particulièrement visée par les bombardements en 1945. Deux tiers de la ville sont rasés.

Le 6 août 1945, les Américains larguent la bombe atomique " Little boy " sur Hiroshima, qui fera 200 000 morts (dont 70 000 immédiate). Le 8 août, l'URSS déclare la guerre au Japon et, le lendemain, les Américains larguent une seconde bombe atomique sur Nagasaki (120 000 morts dont 40 000 immédiates). Le 15 août, l'empereur s'adresse pour la première fois de l'histoire japonaise à son peuple à la radio en lui demandant " d'accepter l'inacceptable et d'endurer l'inendurable ", ce qui veut dire " accepter la défaite ". L'Empire du soleil levant a payé très cher ses ambitions internationales et un expansionnisme agressif dont les conquêtes antérieures à la guerre du Pacifique ne furent que le dramatique aboutissement.

Occupation américaine et reconstruction. Le Japon est exsangue et, pour la première fois de son histoire, occupé par une puissance étrangère. Les Etats-Unis vont s'appliquer à créer de nouvelles institutions et surtout à ancrer le pays dans une étroite collaboration, afin de juguler les effets de la guerre froide. Ils créent le SCAP (Supreme Command for the Allied Powers) et montent aussi le War Guilt Information Program (WGIP) en plus du tribunal chargé de juger les criminels de guerre. Le WGIP est destiné à éduquer le peuple japonais à la logique suivante : le régime militaire japonais a été coupable de massacres cruels durant la guerre. Il fallait donc l'écraser. C'est le peuple japonais qui en a souffert, mais les Etats-Unis ont libéré le Japon de cette souffrance. Le général McArthur fait élaborer une nouvelle Constitution en 1946. Un gigantesque programme de refonte de l'administration et de l'économie est mis sur pied. Le 8 septembre 1951, la paix est signée à San Francisco et le Japon redevient une nation libre.

Les premières années qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale sont cependant difficiles, toutes les infrastructures du pays étant détruites. Les villes sont, dans leur quasi-intégralité, des immenses champs de ruines, et la défaite engendre une période de doutes sur la capacité du pays à se relever. Avant de penser à la reconstruction, les Japonais doivent commencer par survivre. La ration alimentaire officielle est de 1 200 calories par jour, moins que la moyenne nécessaire à une personne de taille moyenne. Le chômage est de son côté pratiquement généralisé. Les premiers signes de la reprise sont rapides, mais la société reste dans une situation très précaire dans les années qui suivent la fin des hostilités.

De 1951 à 1993, date à laquelle le parti libéral démocrate perd les élections, le Japon a bénéficié d'une grande stabilité politique et réussi une remarquable ascension économique, en grande partie grâce au niveau extrêmement bas des dépenses en armement (le Japon étant sous le parapluie américain), permettant d'affecter les budgets en priorité à la reconstruction des infrastructures détruites par la guerre. Alors que l'économie redémarre avec le soutien américain, la guerre de Corée éclate. Ce sera une aubaine pour une industrie meurtrie par la guerre. Pendant quatorze années, les milieux industriels et les grandes maisons de commerce (Mitsubishi Trading, Mitsui Bussan, Sumitomo Trading...) vont s'attacher à réorganiser la production avec le concours du Miti (ministère du commerce extérieur et de l'industrie, créé en 1949). En 1964, le Japon peut organiser les Jeux olympiques à Tōkyō et présenter l'état d'avancement du pays. Le PLD (Parti libéral démocrate), au pouvoir depuis les années cinquante, garantit une certaine stabilité politique malgré l'agitation sociale qu'entretiennent les associations et partis d'extrême gauche (Zengakuren).

Miracle économique et crise. La forte croissance des années soixante a été marquée par trois mots-clés liés à la production : rendement, haute qualité et miniaturisation. On peut dire que le Japon a surfé sur les deux chocs pétroliers sans que son économie ne subisse de dommage important.

Dans les années 1950, les entreprises japonaises, le plus souvent des keiretsu, développent par ailleurs des liens très forts avec les employés, en mettant en place un système des " trois trésors " (emploi à vie, salaire à l'ancienneté et syndicat d'entreprise). L'originalité du modèle se situe donc au niveau de l'organisation des firmes, qui repose sur l'établissement de relations à long terme entre les partenaires (actionnaires, direction, banque, personnel). L'entreprise s'invite ainsi dans le quotidien de ses employés, et cela permet aux keiretsu de s'assurer de la loyauté de leurs employés.

Au début des années 1970, le Japon est, sans conteste, la première puissance économique asiatique, et l'écart avec les autres pays de la région s'est creusé de manière très nette. Seules la Corée du Sud et Taïwan commencent à émerger, même si leur miracle économique n'est pas à ce stade encore aussi avancé que celui du Japon. On constate enfin dans ce tableau que le PIB par habitant japonais est désormais très nettement supérieur à la moyenne globale. Le Japon est officiellement rentré dans le cercle fermé des grandes puissances économiques mondiales. C'est aussi au tournant des années 1970 que l'économie japonaise se tourne de plus en plus vers les services et les produits manufacturés de haute technologie. Le secteur primaire est en régression, et les industries lourdes sont progressivement remplacées par des productions plus légères, notamment dans le domaine de l'électronique.

En 1985, en réponse à la demande des Etats-Unis qui avaient du mal à trouver les mesures pour parer à la cherté du dollar, cinq ministres des Finances de pays industrialisés et les gouverneurs des banques centrales se réunissent à New York au Plaza Hotel. Ils s'accordent pour mettre en place une politique concertée devant aboutir à l'abaissement du dollar, connu comme l'accord du Plaza. Il résulte de cette entente que la monnaie japonaise gonfle démesurément. Le yen en excès par rapport aux montants des investissements en biens de production se déverse sur l'achat de biens immobiliers, au Japon et aux Etats-Unis. Avant l'Accord du Plaza, le dollar était à 242 ¥. Il tombe à 128 ¥ au début 1988.

Ère Heisei

L'économie japonaise connaît dès lors une conjoncture exceptionnellement bonne. Les prix montent et finalement, les cours anormalement élevés de la Bourse commencent à s'effondrer brusquement en février 1991. L'économie se dégonfle brutalement, c'est l'éclatement de la bulle économique qui laisse les banques avec une masse de créances douteuses en caisse. La bulle et son éclatement peuvent être interprétés de la façon suivante : la richesse gagnée par le Japon s'est transformée en achat de biens immobiliers et d'obligations américaines à très haut prix, ce qui a fait chuter le yen, les Japonais devant ensuite brader un certain nombre d'actifs sociaux pour les acheteurs américains. La bulle est donc une période qui s'est soldée par le passage d'une bonne partie de la richesse japonaise entre les mains des Etats-Unis.

Dès 1991, le taux de croissance chute à 2,4 % et en 1993, le Japon connaît la croissance zéro. Tandis que la crise guette les " petits dragons " et les autres pays d'Asie du Sud-Est qui font partie de l'ASEAN, le Japon tente de dynamiser son économie en multipliant les plans de relance et en injectant des capitaux. En 1998, est inauguré le neuvième plan de relance en huit ans, et l'humeur morose ne laisse présager aucun retour immédiat à la croissance. L'élection du Premier ministre Koizumi Jun'ichirō, en avril 2001, traduit une volonté de changement. Cependant, la popularité de Koizumi et sa volonté réformatrice ne sauraient faire oublier la gravité des problèmes.

Le système bancaire est encore handicapé par ses créances douteuses. L'endettement public s'élève à 140 % du PIB en 2002. Le vieillissement de la société est tel qu'en 2010 les plus de 65 ans représenteront 22 % de la population. Enfin, une grande partie de la classe politique, entachée par la corruption et incapable d'affronter les problèmes du pays, est discréditée. Entre 2002 et 2003, le gouvernement Koizumi organise la fusion des principales grandes banques japonaises, ce qui a donné naissance à trois " méga banques " : Mizuho, Tōkyō Mitsubishi et Mitsui Sumitomo. En fait, la politique Koizumi de libéralisation et de privatisation a été analysée par certains experts comme des actes dictés par les intérêts financiers américains pour préparer leur main-mise sur les économies du ménage japonais. Toujours est-il que Koizumi a su relancer l'économie japonaise lors de son mandat. D'un pays moribond en 2001 (inflation galopante, taux de chômage alarmant...), il en a fait un pays à nouveau compétitif en 2006, représentant 15 % du PNB mondial. Et c'est ce Japon regonflé qu'il a laissé son successeur Shinzo Abe, en septembre 2006. Elu président du Parti Libéral Démocrate, la plus grande formation politique du pays, Abe est devenu immédiatement Premier ministre. Bien que du même bord politique que Koizumi, Abe affiche des idées bien plus conservatrices. Au programme : réforme du système fiscal, de l'éducation nationale et de la sécurité sociale. Mais le ralentissement de la croissance mondiale affecte grandement les exportations japonaises. La crise de la deuxième moitié de 2008 entraîne le pays dans la récession, et le tsunami de mars 2011 plonge tout l'archipel dans une multitude de doutes. Doute sur son avenir, doute sur son énergie nucléaire (un parti écologiste voit même le jour) et doute sur ses élites politiques. Entre 2005 et 2015, le Japon a déjà connu sept Premiers ministres et un changement de majorité en 2009 pour faire face à cette période sombre. En 2014, après une parenthèse de 3 ans, Shinzo Abe a renouvelé son assise lors des élections législatives anticipées du 14 décembre 2014 avec plus des deux tiers des sièges de la Chambre basse. M. Abe, l'actuel Premier ministre, a axé sa campagne sur les questions économiques (relance de la croissance) et celles de sécurité et de défense, deux thèmes aujourd'hui au centre de la politique de son gouvernement.

Mais quelle que soit la situation politique ou économique du pays, comme l'enseigne son histoire, le Japon est un pays en éternelle reconstruction. Brûlé, ouvert, déchiqueté, il rejaillit dans un style différent, anarchique, en créant de nouveaux réseaux et d'autres vecteurs de communications, de regards et d'urbanités. Il s'impose aujourd'hui comme un leader de la scène internationale en abritant hôtels, musées, bibliothèques, centres de recherches, galeries et fondations. Le pays continue de s'ouvrir vers l'extérieur et s'apprête à accueillir deux événements sportifs de dimension planétaire, la Coupe du Monde de Rugby en 2019 et les Jeux olympiques en 2020.

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