Discover Chad : Architecture (et design)

Le Tchad abrite d’étonnants sites préhistoriques qui prouvent que le pays est l’un des grands berceaux de l’Humanité. Mais ses véritables trésors sont ceux des grands royaumes millénaires qui illustrèrent leur pouvoir en érigeant cités fortifiées et imposants palais. Des structures d’autant plus fascinantes qu’elles sont réalisées en matériaux naturels… tout comme l’habitat vernaculaire qui se décline en une infinité de variétés. Contrairement à ses voisins, le Tchad fut peu marqué par l’époque coloniale, malgré l’apport d’une certaine modernité. Son indépendance, elle, fut suivie d’un boom de la construction. Une effervescence à laquelle troubles et conflits donnèrent un coup d’arrêt. Aujourd’hui, jouissant d’une certaine stabilité, le pays se lance à nouveau dans de grands travaux. En parallèle, émerge une nouvelle génération d’architectes bien décidés à faire rimer modernité et durabilité. De fascinantes découvertes vous attendent !

Aux origines

Le Tchad est riche de fascinants trésors millénaires. Parmi eux, se trouvent les mines de fer de Télé-Nugar, utilisées depuis l’Antiquité. Divisée en cavités communicantes, la grande galerie y est percée de trous permettant de faire pénétrer l’air et la lumière. La voûte de la galerie est soutenue par des piliers sculptés dans la paroi rocheuse. On y trouve également de nombreux fourneaux et autres tuyères, démontrant un art consommé de l’ingénierie. Mais ce sont les grands royaumes qui marquèrent le plus durablement le pays. Le royaume du Kanem-Bornou était régi par un mai (roi), figure clé d’un état centralisé et islamisé. C’est au XVIe siècle, sous le règne d’Idris Alaoma, que le royaume connut son apogée. A cette époque, le roi fit reconstruire en dur toutes les mosquées du pays. Il s’agissait alors d’une grande nouveauté puisque, jusque-là, les mosquées étaient réalisées en matériaux végétaux, délimitées par de simples clôtures, voire même simplement tracées sur le sol ! Le matériau privilégié par le souverain fut la brique de terre cuite rouge. Les ruines d’Ouara, elles, illustrent la puissance du royaume de l’Ouaddaï. On y découvre notamment celles du Palais du Sultan Abdel Kerim Ibn Djamé, tout en brique de terre cuite. Entouré d’une enceinte murale de 325 m de diamètre, ce véritable complexe palatial se compose notamment d’une haute tour de guet, d’une grande salle du conseil, et de logements destinés aux épouses et concubines. A l’extérieur de l’enceinte, la Grande Mosquée (25 x 27 m) était elle aussi construite en briques cuites. Lorsque les puits d’Ouara furent asséchés, le sultanat déplaça sa capitale à Abéché qui devint rapidement l’un des grands bastions de la route arabe de la traite négrière. Au centre de la cité se trouvait le Palais du Sultan, lui-même entouré de nombreux bâtiments et mosquées en terre, le tout inscrit dans un urbanisme typiquement arabe aux étroites et sinueuses ruelles reliant des places. Le royaume du Baguirmi enfin continua cette tradition de l’architecture princière et palatiale, tout en élevant des bâtiments liés au commerce négrier. Depuis toujours, le Tchad fut donc marqué par la présence de grandes entités structurées et centralisées usant de l’architecture comme un symbole de pouvoir. Sur les rives du Lac Tchad, les Sao, ancêtres des Kotoko, développèrent une civilisation à l’architecture unique. Rôniers, palmiers doum et palmiers dattiers, vermiculite (minéral argileux), les Sao composèrent avec les matériaux que les abords du lac mettaient à leur disposition et développèrent une étonnante architecture de terre. Gaoui, l’ancienne capitale des Sao, dévoile encore nombre des trésors de cette période. Cette architecture princière place le Palais du Sultan au cœur stratégique d’une disposition concentrique. Ceint de sa propre muraille, le Palais est une superbe juxtaposition de tourelles circulaires couvertes de tuiles d’argile incurvées et percées d’oculi afin de permettre l’évacuation des eaux, et d’édifices rectangulaires surmontés de toits-terrasse, tous reliés par des cours. Cette architecture est sublimée par un important travail de la décoration. Il s’agit là d’un véritable rituel effectué, par les femmes, après chaque saison des pluies. A l’aide d’un morceau de tissu ou d’un pinceau, elles appliquent des motifs géométriques ou symboliques, toujours peints en noir, blanc ou ocre. Le reste de la cité était divisé en quartiers regroupant des familles étendues et vivant également dans des édifices en terre. Les chefs Kotoko ont poursuivi cette tradition d’une imposante architecture princière tout en verticalité et apparat, y ajoutant une dimension encore plus symbolique. En effet, ces derniers remodelaient constamment les structures préexistantes, établissant leurs centres urbains sur d’authentiques tells couverts des vestiges d’époques passées, notamment de superbes tessons de poterie. Une manière d’ancrer leur pouvoir dans le temps. Autres fascinantes structures de pouvoir : l’architecture du royaume de Moundang, et plus spécifiquement le Palais du Gôn de Léré. Cette architecture défensive de terre donne toute sa place aux salles d’apparat et au travail du décor, notamment via de superbes écrans de vannerie. Protégé d’un haut mur jalonné de tourelles, le palais déploie une étonnante architecture faite de 57 cellules composées de cases à toits plats précédées chacune d’un énorme silo. L’ensemble est entièrement réalisé dans un mélange d’argile et de gravier. De nombreux peuples, eux, tirèrent profit de la végétation pour élever leurs défenses. Bosquets-fortins aux arbres peuplés de plateformes, sari ou barrières entièrement végétales (notamment composée d’épineux) et enfin ngulmun, fortins composés d’épais murs en terre précédés de fossés circulaires avec deux entrées en entonnoir barricadées de troncs d’arbre et toujours installés dans des sites densément boisés… telles sont les symboles de cette architecture défensive totalement naturelle. Fasciné par toutes ces richesses, l’artiste-sculpteur Nicolas Gangebakoiré s’est lancé le pari fou de reproduire toutes ces grandes structure en miniature, afin qu’il subsiste pour toujours une trace de ces royaumes millénaires. Ce projet a été soutenu par le WenakLabs, 1er hub d’innovation du Tchad !

Richesses vernaculaires

Dans l’architecture traditionnelle tchadienne, la cellule de base est la case d’habitation à laquelle s’ajoutent les cuisines et greniers. Sur pilotis ou non, en forme de bouteille ou aux allures de cyclopes tels ceux des Mofou avec leur unique ouverture, les greniers font l’objet de toutes les attentions car ils sont les garants de la survie des peuples. Cette cellule s’inscrit dans un ensemble plus vaste qui est la concession familiale, qui s’intègre elle-même au village. La cour de la concession est l’élément fondamental. C’est là que toute la vie quotidienne s’organise. Généralement, les cellules sont disposées en cercle autour de cette cour, l’ensemble de la concession étant protégé par une clôture végétale. Cependant, avec la multiplication des axes routiers, ces cercles d’habitation ont eu tendance à disparaître au profit d’une disposition en ligne. Originellement, la case tchadienne est de plan circulaire, avec des murs en brique de boue et paille séchée, et surmontée d’un toit conique ou en dôme formé d’une juxtaposition d’anneaux de paille dont les derniers débordent afin de protéger les murs de l’érosion des pluies. Ces cases circulaires sont plutôt privilégiées par les peuples de cultivateurs évoluant en brousse. Les cases rectangulaires à toits à 2 ou 4 pans ou à toits plats sont généralement réalisées en « banco armé », c’est-à-dire en terre que l’on vient placer sur une armature en bois. Ces cases sont l’apanage des populations plus citadines, largement influencées par les marchands arabes. Au-delà de ces caractéristiques générales, l’architecture vernaculaire tchadienne offre une infinité de variétés qui fait toute la richesse du pays. L’absence de bois et la présence d’une glaise propre à la construction dans la région ont poussé le peuple Mousgoum à élaborer une architecture unique : celle de la case-obus ou Teleuk. Maître dans l’art de la poterie, les Mousgoum ont mis à profit leur connaissance pour élaborer ces cases tout en courbes, entièrement réalisées en argile et fibres végétales, dont les plus hautes peuvent atteindre 20 m. Les couches successives de terre finissent par se rejoindre pour former un dôme autoportant. Sculptées à la manière d’une poterie, on remarque que ces cases sont ornées de rainures et d’éléments en saillie. Il s’agit d’éléments structurels servant tout à la fois de marchepieds pour faciliter la construction et l’entretien de la case et de système de gestion des eaux de ruissellement afin d’éviter l’érosion des murs. Les Kotoko, eux, ont imaginé des cases circulaires aux toits en formes de dômes aplatis et des cases rectangulaires aux allures de pyramides tronquées. Dans les deux cas, les charpentes sont réalisées avec des traverses ou des arceaux de bois sur lesquels on vient placer le chaume. Les Kanembu, eux, ont développé une fascinante architecture qui se fait véritable ode à la vannerie. Certains comparent même leurs cases à des corbeilles renversées ! Leurs armatures sont le plus souvent faites de baguettes de bois entrelacées sur lesquelles on vient disposer de fines couches de paille tressées. Ordre et richesse ornementale président à l’architecture des Massa. Réalisées en terre de termitières (qui fournit un excellent mortier et qui a le mérite d’être inattaquable par les termites !), leurs cases possèdent des intérieurs ornés de motifs peints à base d’argile ocre et de figures sculptées dans les parois. Les Bornouans ont, eux, élaboré d’étonnants toits en coupole supporté par des pieux disposés autour de la case de façon régulière et sur lesquels on vient appliquer des bottes de roseaux protectrices. Les cases des Banguirmiens possèdent un élément supplémentaire fondamental : le pilier central considéré comme sacré. Tous les peuples du Tchad possèdent cette même vision d’une architecture spirituelle et protectrice organisée autour d’éléments magico-religieux. Aux bords des lacs, les cases en terre coiffées de toits de chaume coniques se protègent du vent et des regards indiscrets grâce à d’ingénieuses claies de roseaux. Le Tchad abrite également de nombreuses ethnies nomades et semi-nomades dont l’habitat est pensé pour s’adapter aux besoins et contraintes de ce mode de vie. Si certains nomades se contentent d’établir un habitat de fortune en créant des abris dans les taillis ou à l’ombre des arbres, d’autres, à l’image des nomades arabes, établissement de véritables campements baptisés ferrik. Ces derniers regroupent un certains nombres de tentes dont les entrées sont disposées à l’opposé des vents dominants et qui sont toutes disposées de manière à créer une sorte de corral protecteur pour le bétail. L’élément fondamental est le lit autour duquel se construit ensuite la tente. L’ossature de la tente est composée de rangées de mâts et piliers et d’arceaux plus souples. On vient ensuite y dérouler des nattes de palmes maintenues par des cordes. Les pêcheurs Sara, eux, établissent des campements de huttes cylindriques très légères aux toits extrêmement pentus afin de supporter les fortes pluies des régions méridionales. Les peuples semi-nomades, le plus souvent arabes, ont élaboré un mélange de structures temporaires (tentes de nattes, petites huttes en tiges de mil recouvertes de paille) et de structures permanentes. Vastes cases à coupoles aux armatures en bois, huttes circulaires aux toits si imposants qu’on ne distingue pas les murs, cases en pisé, toutes ces structures ont un espace en commun : le kurara, sorte d’alcôve cubique dont les parois recouvertes de nattes ont pour but de protéger les objets les plus précieux. Et il existe encore bien d’autres trésors vernaculaires à découvrir !

De la période coloniale à aujourd’hui

A la différence de ses voisins, le Tchad n’a jamais fait l’objet de grands plans d’urbanisation et de construction durant la période française. Une forme de cohabitation s’est d’abord exercée, de nombreux villages autochtones s’établissant en périphérie des postes militaires et administratifs. Mais les Français ont eu une relation complexe à l’architecture vernaculaire, d’un côté lançant des campagnes d’inventaire de ses richesses, et de l’autre imposant des critères hygiénistes et modernisant de fait les cases autochtones. Ainsi les plans carrés ou rectangulaires remplacent le traditionnel plan circulaire car ils sont plus adaptés pour supporter les structures de tôle ondulée qui partout se développent. Ces structures rectangulaires ou carrées s’adaptent également mieux aux structures urbaines découpées selon des plans géométriques. En matière stylistique, les Français ont privilégié le fonctionnel avec des volumes de béton simples aux lignes sobres, rappelant une influence Art Déco surtout dans la calligraphie des noms. La Chambre de Commerce, l’abattoir frigorifique de Farcha ou bien encore la Cathédrale Notre-Dame de la Paix à Ndjamena en sont de bons exemples. Se développe également une architecture métallique comme le montre le Pont de Chagoua, pont à tablier supporté par 8 poutres et se déployant sur 550 m de long. En 1960, alors que le pays est en plein processus d’indépendance, André Malraux, soucieux de maintenir la présence de la France dans ses anciens territoires, commissionne Le Corbusier pour créer un centre culturel à Fort Lamy (future Ndjamena). Béton armé, jardins, nef à spirale, musée à croissance illimité, le projet comporte toutes les grandes caractéristiques du maître. Seulement le centre ne sera jamais réalisé pour des problèmes de coûts trop importants. En effet, André Malraux aurait confondu les Francs CFA et les Francs Français et donc sous-estimé la valeur du projet ! Cependant, le modernisme fit quand même son entrée dans le pays une fois l’Indépendance proclamée. Imposant monolithe de béton couleur terre, le Musée National du Tchad est l’une des premières grandes réalisations de la jeune nation. Autre bâtiment phare de la capitale : le Palais Rose, siège de la Présidence de la République, ainsi baptisé du fait de la couleur rosée de sa façade. Stucs, lustres, miroirs et dorures animent ce bâtiment du pouvoir. Après une grande période de troubles accompagnés d’importantes destructions, le pays connaît une nouvelle phase de développement, notamment grâce à l’afflux massif des capitaux du pétrole. Pour effacer les stigmates de la guerre et tenter de juguler une croissance urbaine exponentielle, le pays a lancé de grandes campagnes de travaux et de planification urbaine, en particulier dans la capitale. De grands quartiers résidentiels parcourus d’axes routiers asphaltés voient le jour et partout sortent de terre de nouvelles constructions. Parmi les plus « imposantes », notons : la tour de l’ONRTV qui domine la ville du haut de ses 70 m surmonté d’une sphère et d’une flèche blanches, la cité internationale des affaires, le Ministère des Affaires Etrangères avec ses 2 bâtiments reliés par un pont aérien, le Pont de Taïwan de 2 600 m de long ou bien encore le Palais des Arts et de la Culture. A ces réalisations grandiloquentes, une nouvelle génération d’architectes oppose la vision d’une architecture durable qui s’appuie sur les riches traditions du pays. La figure de proue de ce mouvement est Hayatte Ndiaye, première femme architecte du pays, qui après avoir présidé l’Ordre National des Architectes du Tchad, est aujourd’hui entrée à l’Union Internationale des Architectes. Une grande reconnaissance pour cette fervente défenseure d’une alliance des recherches climatiques et esthétiques, de la transformation des nombreuses friches urbaines en espaces verts et d’un emploi limité du béton « qui ne fait qu’ajouter de la chaleur à la chaleur ». Une femme de tête qui nous fait voir et penser le Tchad autrement !

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