Guide Lybia : Population
En 2004, lors du dernier recensement général de la population, 5 882 667 Libyens ont été dénombrés et l'on estime à un peu plus d'un million d'étrangers résidents ; la Libye compte donc près de 7 millions d'habitants aujourd'hui.
C'est peu à l'échelle du pays puisque la densité de la population n'excède pas les 3,1 habitants au km² (contre 111 en France), mais le bond n'en demeure pas moins spectaculaire puisque la population a quintuplé depuis l'indépendance. De plus, cette population est très inégalement répartie, comme dans la plupart des pays soumis à un climat aride. En conséquence, les densités dépassent fréquemment 50 habitants au km² dans les régions méditerranéennes de l'Est et de l'Ouest, alors qu'elles sont inférieures à un habitant au km² dans le reste du pays. On estime aujourd'hui que plus de la moitié de la population (52,3 %) vit en Tripolitaine, plus du quart en Cyrénaïque (27,2 %), 9 % dans le djebel Nefousa et 11 % dans le désert.
La population libyenne croît donc rapidement depuis les années 1960. A la fin des années 1970, elle flirtait même avec les records mondiaux puisque le nombre d'enfants par femme se situait aux alentours de 7,5. Depuis, la transition démographique est bien engagée et la fécondité baisse régulièrement puisqu'elle se situe aujourd'hui à 3,3. Une telle croissance démographique a radicalement remis en cause la structure sociale libyenne des lendemains de la Seconde Guerre mondiale.
En effet, contrairement à certaines idées reçues, les Libyens ne sont plus aujourd'hui ni des Bédouins ni des paysans mais des citadins, puisque 85 % d'entre eux vivent dans des villes, Tripoli (1,3 million d'habitants) et Benghazi (660 000 hab.) bien sûr, où se concentrent 4 Libyens sur 10, mais aussi Derna, Misratha, Al-Bayda, Khoms, Zawiyah, Gharyan, Sebha, Syrte, Tobrouk. Cette tendance s'est confortée entre 1995 et 2004 au regard des taux d'accroissement car la croissance de la population urbaine demeure supérieure à celle de la population totale (2,02 %).
De plus, la population libyenne est jeune : les moins de 14 ans représentent un tiers de la population totale, les moins de 20 ans près de la moitié, moins de 4 % de la population est âgée de 65 ans et plus. Une situation exactement à l'opposé de celle des pays européens.
Cependant, à la différence de nombreux pays du Sud ayant connu une croissance démographique galopante, la Libye a eu les moyens d'améliorer, grâce aux revenus pétroliers et à une politique fondée sur la redistribution des revenus de cette rente, les conditions de vie de la population : l'IDH (indice de développement humain) y est le plus élevé d'Afrique (64e en 2000) ; l'espérance de vie est estimée à 72 ans grâce à l'amélioration de l'encadrement médical ; le taux d'alphabétisation est en conséquence élevé (environ 80 %), malgré un décalage encore très marqué entre les sexes puisque 31,8 % des femmes seraient illettrées pour 9,2 % d'hommes seulement. Ce décalage s'atténue du fait de la politique vigoureuse de scolarisation qui a été multipliée par cinq en 50 ans, passant de 20 à 100 %.
En 2004, la population active totale en Libye (15 ans et plus) est officiellement de 1,45 million de travailleurs ; elle se compose de 850 000 Libyens et 600 000 étrangers. Les Libyens travaillent pour moitié dans le secteur des services et l'administration et pour 12,7 % dans le commerce ; 20 % trouvent à s'employer dans le secteur secondaire (hydrocarbures, industrie, BTP) et 6,7 % seulement dans l'agriculture.
La population active demeure majoritairement masculine pour des raisons liées au contexte libyen : dans cette société conservatrice, les femmes peuvent travailler et sont même encouragées à suivre des études - au point d'être bien souvent majoritaires dans les universités - mais la famille et plus tard l'époux restent réticents à ce qu'elles occupent un emploi. Ainsi, malgré une législation bien plus favorable aux femmes que dans la plupart des pays arabes, la pression sociale pousse de nombreuses femmes à choisir encore entre le mariage ou leur réussite professionnelle. De plus, certains domaines d'activité leur sont interdits (serveuses dans les restaurants par exemple). L'urbanisation, l'ouverture sur l'extérieur et la scolarisation conduisent toutefois à une remise en cause de ce modèle social traditionaliste patriarcal et à un rééquilibrage entre les sexes. Les femmes ne comptaient en effet que pour 7 % de la population active en 1973, 19 % en 1995, et entre un tiers environ aujourd'hui et 90 % dans certains secteurs des services et de l'administration (secrétariat).
L'importance de la main-d'oeuvre immigrée
L'économie libyenne est dépendante vis-à-vis de la main-d'oeuvre immigrée, qui représenterait la moitié de la population active et aurait le monopole technique de plusieurs secteurs essentiels (garagistes, boulangers, etc.). Selon les derniers chiffres officiels libyens, la population étrangère serait inférieure à 10 %, mais la politique libyenne d'ouverture vers l'Afrique ainsi que le nombre très élevé de travailleurs clandestins (entre 1 et 2 millions) porterait ce taux à plus de 30 %. Après avoir atteint des pics à la fin des années 1990, cette proportion baisse aujourd'hui à environ un million.
La Libye compte une très large majorité d'Arabes musulmans sunnites, au point que cette unité conduit parfois l'observateur extérieur (mais aussi le gouvernement central !) à négliger la présence de minorités comme les Touaregs, les Toubous et divers groupes berbères.
Difficile d'estimer leur nombre mais on avance parfois le chiffre d'un million de berbérophones en Libye. Ces derniers, comme les Touaregs, préfèrent pour se définir employer le terme générique d'Amazighes plutôt que celui de Berbères. Leurs revendications identitaires restent discrètes mais bien présentes car elles expriment le vécu quotidien de groupes parfois isolés, toujours minoritaires mais gardiens de traditions millénaires, celle des peuples vivant en Afrique du Nord avant les invasions arabes et encore réticents à toute idée d'arabisation imposée. Celle-ci est en effet une réalité rappelée par exemple par le fait que la seule langue officielle du pays est l'arabe et que, depuis la loi du 18 juin 1995, il est " interdit d'utiliser une langue autre que la langue arabe dans les diverses relations administratives locales... ". Le régime libyen émet des signaux positifs depuis qu'il tente de répondre aux injonctions de la communauté internationale sur la question des droits de l'homme.
Ces minorités vivent dans des régions ou des petits groupes oasiens bien distincts les uns des autres, souvent en position frontalière et de ce fait liés sur les plans linguistique, matrimonial et commercial aux régions des Etats voisins de la Libye. Le plus important de ces groupes est celui des Nefusi (141 000 environ), Berbères qui vivent dans l'ouest du pays, en Tripolitaine, autour de Zouara notamment ou dans son arrière-pays montagneux, le djebel Nefousa, autour des villes de Nalout et de Yefren. Ce groupe est très lié à la Tunisie voisine, au sud de Djerba, autour des localités de Tataouine et Ben Guerdane. Viennent ensuite des groupes plus modestes dans les oasis d'Awjilah (3 000) entre la Cyrénaïque et Koufra ; Ghadamès (2 000), à l'intersection des frontières algérienne, tunisienne et libyenne et dont la population a joué un rôle majeur à l'époque de l'âge d'or du commerce caravanier ; et Sukhna (5 500), au sud du golfe de Syrte.
Il faut aussi compter avec un nombre significatif de descendants d'esclaves subsahariens acheminés et vendus durant les siècles dans les oasis et les ports méditerranéens, d'où ils partaient ensuite dans tout le bassin et notamment à Constantinople. N'oublions pas que la dernière caravane d'esclaves a atteint Mourzouk, dans le Fezzan, en 1929 ! Ces descendants d'esclaves (abid) se sont aujourd'hui fondus au sein de la population libyenne, métissés selon les lieux avec des Berbères ou des Arabes et, comme ces derniers, ils quittent bien souvent les jardins où ils travaillaient pour s'installer dans les villes nouvelles. Groupe proche mais distinct des descendants d'esclaves, les Haratin, que l'on trouve aussi dans l'ensemble du Sahara depuis des siècles, sont un groupe longtemps servile, dépendant de propriétaires fonciers arabes ou de nobles touaregs. La discrimination à leur égard n'a pas totalement disparu au sein de la société libyenne dans la mesure où la couleur de la peau reste un critère décisif de distinction.
Aux yeux des touristes de passage, ils symbolisent à eux seuls tous les rêves du désert et des peuples nomades qui l'habitent. Mais leur histoire récente, faite de troubles, d'insurrections et d'exodes, contredit totalement cette image idyllique. On estime leur présence à 25-30 000 en Libye.
Ce qui est bien peu au regard du 1,3 million de Touaregs répartis sur un vaste territoire de 2,5 millions de km² à cheval sur cinq états (Algérie, Burkina Faso, Libye, Niger et Mali).
Les Touaregs de Libye vivent dans une vaste région adossée à l'Algérie, bornée par Ghadamès au nord, Oubari à l'est et Ghat au sud. Ils sont pour partie rattachés à la confédération des Ajjer, qui s'étend jusqu'au Hoggar et à la ville de Tamanrasset en Algérie et au Niger, et à un groupe à cheval sur la région de Djanet et celle de Ghat. Sans oublier les milliers de Touaregs nigériens qui franchissent la frontière libyenne pour trouver à s'employer dans le tourisme, l'agriculture ou sur les chantiers des villes sahariennes.
La société touareg diffère profondément des sociétés arabes : par la force de leur sentiment communautaire d'abord, qui constitue un puissant ciment unitaire par-delà les frontières nationales ; mais aussi par la langue puisque les Touaregs parlent le tamashek, un dialecte berbère. De plus, s'ils sont musulmans sunnites ; des rites magiques et des pratiques préislamiques subsistent encore dans cet islam. La place accordée aux femmes dans la société touareg constitue un autre élément de différenciation dans la mesure où la monogamie est la règle et que la filiation et l'organisation sociale reposent sur la famille maternelle.
Voisins des Touaregs, les Toubous du sud de la Libye (3 000 environ) sont nettement moins connus, sans doute parce qu'ils appartiennent à une communauté numériquement plus modeste, fraction d'un groupe d'environ 350 000 grands nomades sahariens, essentiellement basés au Tchad (de 200 000 à 250 000 membres) et, plus modestement, dans les oasis du Kawar situées à l'est du Niger. On distingue deux branches principales : les Daza, largement majoritaires (310 000) et présents dans plusieurs régions tchadiennes, le centre et l'est du BET (Borkou-Ennedi-Tibesti), le Kanem au nord des lacs Tchad et Faya ; et les Teda, dans l'ouest du BET, autour de Bardaï.
En Libye, ils vivent pour l'essentiel dans les oasis de Koufra dont ils furent les premiers habitants, avant l'arrivée des Arabes des oasis de Jalou et d'Ajdabiya, alors que les royaumes tchadiens s'étendaient bien au-delà des limites du Tchad actuel. Leur présence est aussi notable dans les oasis de Qatroun et dans la dépression de Mourzouk, sur la route du Fezzan au Tibesti (Tchad) et au Kawar (Niger) et à Sebha.
Les Toubous, volontiers décrits comme des " gens de la montagne et du désert ", considérés comme solitaires et belliqueux, sont musulmans, mais plusieurs traits les distinguent des Arabes avec lesquels ils cohabitent et commercent dans les villes sahariennes : leur langue, d'origine nilo-saharienne, diffère radicalement de l'arabe et se divise selon deux dialectes, teda et daza, à la fois proches mais sensiblement différents. Cependant, la plupart des Toubous, commerçants ou travailleurs saisonniers qui circulent entre les trois pays, parlent généralement l'arabe et parfois aussi le français, s'ils ont vécu dans le sud du Tchad. La société toubou se fonde sur la famille nucléaire organisée en clans patrilinéaires. Leur économie présente les traits classiques de celle des nomades sahariens : élevage et agriculture oasienne. Leur savoir-faire dans le passage des frontières entre la Libye, le Niger et le Tchad leur permet d'être très présents dans le secteur du transport transsaharien et le commerce du bétail élevé au Sahel et revendu en Libye.
Bien souvent instrumentalisés par les gouvernants, les Toubous et les Touaregs ont particulièrement souffert des tensions entre le régime libyen et les Etats voisins, Tchad pour les premiers, Niger pour les seconds. Si ces tensions sont aujourd'hui pour partie apaisées et bien que ces peuples nomades vivent de nouveau du commerce de la frontière, la présence de camps de réfugiés autour des villes de Sebha et Mourzouk notamment rappelle les pages difficiles de l'histoire saharienne des années 1980 et 1990.
Durant les années 1970, la majorité des immigrés présents en Libye étaient ressortissants d'un Etat arabe, plutôt du Machrek que du Maghreb et majoritairement Egyptiens ou Tunisiens. Les autres nationalités variaient au gré des vicissitudes géopolitiques, des expulsions ou des encouragements prodigués par les autorités libyennes. En 1995, alors que la Libye était soumise à un embargo onusien et qu'elle traversait une crise économique profonde, cette configuration évolua largement puisque à l'effacement du Maghreb et à la quasi-absence des résidents européens et asiatiques répondit la forte croissance des effectifs de Subsahariens. Officiellement, le recensement de 1995 a enregistré près de 100 000 Soudanais et 40 000 Subsahariens contre 5 000 et quelques centaines vingt ans auparavant. Mais cette croissance était de toute évidence sous-estimée car, au début des années 2000, même si l'on écarte les chiffres peu crédibles (4 000 000 de ressortissants d'Afrique subsaharienne), le nombre de ressortissants d'Afrique occidentale et centrale était évalué à environ 1,5 million, dont 500 000 Tchadiens et un nombre supérieur de Soudanais. Ce sont néanmoins les Egyptiens qui renforcent leur place de première communauté étrangère en Libye.
A la fois ouverte au sud vers l'Afrique subsaharienne et proche du nord par sa longue façade littorale, la Libye tend à devenir un second détroit, similaire à celui de Gibraltar entre Maroc et Espagne, haut lieu du passage des migrants vers l'Europe. Mais la suspension de l'embargo en 1999 a eu pour conséquence une réorientation de la politique migratoire de Tripoli, qui est alors sommée de répondre aux attentes des dirigeants européens en matière de contrôle des flux migratoires. Dans le même temps, les violences subies par les Subsahariens montrent aussi les limites de ce que la population libyenne est prête à accepter : les migrations arabes étaient tolérables en période de prospérité, les migrations africaines ne le sont plus en temps de crise.
D'après O. Pliez, in La Nouvelle Libye, Karthala, 2004.
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