Guide Aeolian Islands : Politique et économie
Le 15 mai 1946, l'île obtint par décret le statut privilégié de région autonome. Elle est la seule des régions autonomes d'Italie à posséder son propre Parlement appelé la Giunta (son pouvoir reste toutefois limité aux seules décisions administratives). Celui-ci siège au palais des Normands à Palerme depuis le 20 mai 1947. Le président, élu par les 90 représentants qui composent l'Assemblée, représente le gouvernement national et assiste aux réunions du Conseil des ministres italiens, auquel il soumet les affaires internes de la Sicile. Dans certains domaines, cette assemblée peut édicter des lois qui prédominent sur les lois italiennes (tourisme, transports, construction, industrie).
Le Popolo Della Libertà (www.ilpopolodellaliberta.it) regroupe l'ancien Forza Italia (parti mené par Silvio Berlusconi) et l'Alliance nationale (un parti populiste et nationaliste, héritier de l'extrême droite).
La Ligue du Nord, de tendance fédéraliste et régionaliste à l'origine, joue elle aussi un rôle important et est menée par Umberto Bossi (www.leganord.org). Les paroles de ses élus et de ses membres sont souvent considérées comme racistes, xénophobes et homophobes.
Le Partito Democratico (www.partitodemocratico.it), de centre gauche. Il regroupe l'ancien PDS (parti démocratique de gauche) et une partie de l'ex-démocratie chrétienne. C'est le parti dont est issu l'ancien président du Conseil, Romano Prodi.
L'Italia Dei Valori (Italie des valeurs ; www.italiadeivalori.it), une minorité menée par Antonio Di Pietro, ancien magistrat de l'opération Mani Pulite.
Concernant les dernières élections qui se sont tenues en juin 2008, la Sicile n'a pas connu un grand bouleversement puisque c'est le centre droit qui continue de gouverner, comme dans le reste de l'Italie. Ainsi, le gouverneur sicilien est dorénavant Raffaele Lombardo, à la tête du parti MPA (mouvement pour l'autonomie) qui, soit disant, prône le développement économique du Sud. Le gouverneur est actuellement accusé de collusion mafieuse.
Le mouvement syndicaliste est très actif en Italie, et donc très représentatif du paysage politique italien. Il existe de nombreux syndicats, mais trois dominent le paysage :
CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), créée en 1906, est menée par deux leaders, un socialiste et un communiste. Il regroupe près de 4,5 millions d'adhérents, principalement des ouvriers de l'industrie.
CISL (Confederazione Italiana Sindicati dei Lavorati) est de tendance démocrate-chrétienne et représente environ 3 millions d'Italiens. Il recrute surtout parmi les ouvriers, le tertiaire et la fonction publique.
UIL (Unione Italiana dei Lavorati) est moins important, avec un million et demi d'adhérents. De tendance socialiste et laïque, il couvre la fonction publique et le tertiaire.
La mafia est le principal enjeu face auquel doit faire face la Sicile. L'origine du mot n'est pas plus claire que la cosa elle-même... Certains étymologistes y voient son origine dans le mot toscan maffia, signifiant " misère ", d'autres dans l'expression arabe Mu'afah qui se traduirait par " la protection des pauvres ". Toujours est-il que la mafia est bien d'origine sicilienne. La Corse a ses bandits d'honneur, les mafiosi étaient aussi des Robin des Bois qui volaient aux riches pour donner aux pauvres dans l'imagerie populaire. Ce n'est qu'au fil du temps que la mafia s'est structurée en une véritable société secrète, avec l'implacable omertà (la loi du silence qui condamne à mort, avec une pierre dans la bouche, celui qui la transgresse), et une organisation multinationale à faire pâlir les scénaristes de James Bond. Par ses ramifications dans le monde social, économique et politique, elle est en Italie surnommée " la Pieuvre ". Seules quelques figures, comme Salvatore Giuliano, qui n'est d'ailleurs pas considéré comme mafieux par ceux qui le défendent, ont rendu un temps service à l'image mafieuse par leur résistance à l'envahisseur durant la guerre.
Les différentes branches de la mafia sont la Camorra à Naples, la N'Drangheta en Calabre, la Sacra Corona Unità dans les Pouilles et, bien sûr, la Cosa Nostra aux Etats-Unis. En Sicile, on l'appelle l'Onorata Società. Associée dans les esprits au trafic de drogue et aux meurtres, on comprend que l'amalgame fait par les gens de l'extérieur entre l'île et la société secrète soit pénible pour ses habitants. Au départ, le but de la mafia est pourtant noble : défendre les pauvres contre les injustices de la société féodale (toutes ces bonnes intentions ont bien évolué...). De cette époque, elle garde seulement des codes bien établis basés sur la famille (selon l'écrivain sicilien Leonardo Sciascia, la famille serait " la première racine de la mafia "), l'honneur et la loi du silence. Aujourd'hui, la mafia est davantage financière que criminelle, et agit parallèlement à l'Etat. Chaque quartier, bourgade, ville est géré conjointement par l'Etat et la mafia. D'après certains experts, elle serait aujourd'hui la vingtième puissance financière au monde.
On aperçoit un embryon de changement en Sicile. Des campagnes " anti-mafia " commencent à voir le jour. 2006 fut une année importante dans la lutte contre la mafia. Le 11 avril, un des grands chefs de la mafia en cavale depuis 43 ans est enfin arrêté à 3 km de Corleone, son village natal. La même année, la ville de Palerme lance une campagne d'affichage dénonçant le règlement du pizzo (l'impôt de la mafia). On peut lire dans les quatre coins de la capitale : " No al Pizzo ! " ou bien encore " Un peuple qui paie le Pizzo est un peuple sans dignité ! ". Une campagne choc qui a fait réagir les commerçants et la population. La lutte ne s'est pas arrêtée depuis. Pour preuve, en septembre 2007, la confédération patronale de Sicile a décidé, après une réunion extraordinaire, d'exclure tout chef d'entreprises qui paierait le pizzo. Cette mesure a été saluée par le gouvernement et s'inscrit directement dans le mouvement de lutte anti-mafia.
2008 a également porté un coup fatal à l'organisation. La Cosa Nostra a perdu nombre de ses membres, avec en outre l'arrestation des Lo Piccolo, père et fils successeurs de Provenzano, incarcéré en 2006. Un autre membre, Giuseppe Coluccio, un baron de la drogue et des armes a été extradé du Canada où il avait été interpellé pour être incarcéré en Italie.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.addiopizzo.org
Chômage, pauvreté, corruption, mafia, lourdeurs administratives et sieste, tant de préjugés qui ternissent bien l'image de l'économie sicilienne aux yeux du monde, mais surtout des gens de Milan. La moyenne de la population active est de 42 % de la population totale sur la péninsule, alors qu'elle est de trois points inférieure sur l'île. Les salaires moyens siciliens sont de moitié inférieurs à ceux du reste du pays (11 000 € contre 22 000 € dans le reste de l'Italie). Il est vrai que certaines structures ne se sont pas tellement modernisées depuis l'époque romaine et ce, malgré les aides importantes accordées par le gouvernement après la chute du fascisme.
Pétrochimie et industrie. Les fonds d'aide permirent, entre autres, à l'île de développer le secteur chimique et pétrochimique, car c'est à ce même moment que l'on découvrit du pétrole à Gela et Ragusa. Dès lors, les principales industries sont dirigées vers l'exploitation des gisements de méthane et de pétrole. Elles sont implantées dans les deux villes baroques, mais aussi à Syracuse, Milazzo et surtout Augusta. L'exploitation des minerais est l'un des points forts de la Sicile. Après avoir été numéro 1 pendant de nombreuses années, l'île est aujourd'hui second producteur de soufre après les Etats-Unis, de quoi corriger un peu certains préjugés ! Des aides plus récentes de l'Union européenne ont permis aussi de donner un sursaut à l'économie, même si le reste de l'activité industrielle n'est pas encore très développé. A Palerme, Catane et Messine, c'est l'industrie mécanique qui domine, et plus récemment la recherche électronique ou informatique.
Pêche, agriculture et agroalimentaire. Il est évident que la pêche reste l'un des piliers incontournables de l'économie sicilienne, même si la concurrence se fait de plus en plus rude (en particulier du côté des Japonais qui s'affirment de plus en plus par rapport aux pays du bassin méditerranéen). Le thon à Trapani ou l'espadon de Catane sont les productions majeures. Tout comme la pêche, l'agriculture l'une des dernières solutions de survie de nombreux insulaires (en particulier dans le centre et les côtes du sud). Malgré l'archaïsme de certaines de ses structures, elle est le fer de lance de l'activité de l'île. Dans l'ancien grenier à blé de l'Empire romain, l'agriculture représente encore 20 % du PNB et 15 % de la population active. On cultive principalement les agrumes (les célèbres citrons de Sicile), mais aussi les olives, le blé dans le centre et la vigne. La Sicile produit 100 % du coton en Italie et 90 % des citrons, ce qui en fait le premier producteur mondial. Mais là aussi dans le domaine des agrumes, la concurrence est rude : les Etats-Unis, Israël et même l'Andalousie se modernisent avec plus d'efficacité. Pour les mêmes raisons, l'élevage des bovins et des ovins, déjà peu important, perd de la vitesse. Et ce n'est pas l'agroalimentaire (vin, huile, pâtes...), curieusement assez faible, qui pourra répondre aux coups portés par la mondialisation.
Le tourisme, avec la découverte du pétrole est l'un des grands facteurs du réveil économique de l'île. Mais aujourd'hui, certains de ses responsables ne semblent plus en avoir conscience et laissent passer la chance offerte par les aides (notamment de l'Union européenne), mais surtout par la richesse exceptionnelle et si diverse de la Sicile.
L'industrie touristique est largement en dessous de ses capacités, bien qu'elle accueille sur son sol près de 4 millions de visiteurs chaque année. Parmi les touristes, on retrouve fréquemment des Français, des Anglais, des Hollandais, des Japonais et des Américains. Ces dernières années, l'industrie touristique sicilienne a vu l'arrivée de nouveaux touristes venus de l'Europe de l'Est (Roumanie, République tchèque...) et de la Russie. Elle emploie cinq fois moins de personnes qu'elle devrait le faire, alors que la région possède tous les avantages pour développer au maximum ce secteur : une histoire et une culture, des sites naturels incomparables, un climat magique... De nombreux visiteurs (les Italiens et les Siciliens eux-mêmes !) sont malheureusement surpris par les fermetures diverses et excessives des musées, des offices du tourisme dues à des restaurations interminables ou à l'humeur du jour...
Un célèbre proverbe sicilien dit : " chi n'esce rinasce " (" qui s'en va réussit "). Avec 24 % de chômeurs, la Sicile possède le deuxième taux de chômage le plus important d'Italie, après celui de Calabre. Ce taux ne cesse d'augmenter : c'est deux fois plus que la moyenne nationale et trois fois plus que Milan. La pauvreté ancestrale de certains Siciliens, qui " charmait " tant par l'authenticité de leur mode de vie certains voyageurs et artistes du passé, n'est malheureusement pas un mythe, ni un vieux souvenir.
Il suffit de se promener dans la Kalsa ou le Capo de Palerme pour y découvrir dans de vieux palais délabrés des squats ou ce qui ressemble fort à des bidonvilles. Encore un quart des familles siciliennes vit en dessous du seuil de pauvreté, alors que la mafia s'enrichit toujours plus et mine davantage les populations défavorisées.
Palerme est au 81e rang des villes italiennes en ce qui concerne le niveau de production, mais parallèlement au 11e rang en ce qui concerne la consommation... On est dès lors en droit de se demander, mais d'où vient l'argent ? On estime que " la Pieuvre " contrôle 80 % de l'économie insulaire. Ironies suprêmes : la mafia, qui est la plus grande force économique de Sicile, sans que les autres Siciliens eux-mêmes n'en profitent, est aussi le frein essentiel aux investissements extérieurs ; mais surtout, elle enrichit par ses propres activités certaines personnes et des groupes importants de la péninsule (notamment ceux du bâtiment et de la construction) qui, officiellement, voudraient bien se débarrasser de cette île qu'ils considèrent comme une gangrène, peut-être pour de mauvaises raisons !
A l'intérieur même de la région, il existe déjà une réelle différence entre les côtes, vivant du tourisme et de l'industrie, et l'intérieur du pays, subsistant principalement grâce à l'agriculture. On assiste alors à un véritable phénomène de désertification des campagnes. Mais ce schéma se reproduit surtout, et avec des conséquences majeures, au niveau national. Malgré une aide financière importante de l'Etat et diverses subventions, la Sicile accumule un retard important par rapport au Nord de l'Italie. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a alors commencé une forte immigration des Siciliens vers les grandes villes industrielles du Nord.
Ce mouvement migratoire a contribué à renforcer l'antagonisme qui existait déjà entre les deux parties de l'Italie. Le vieux dilemme nord-sud est malheureusement toujours d'actualité. De nombreux politiques (en première ligne Umberto Bossi et sa Ligue Nord évidemment) parlent de plus en plus sérieusement de se débarrasser de la Sicile... Elle a toujours été considérée par le Nord comme un poids et un frein à l'économie nationale. Le débat semble d'ailleurs s'abaisser de jour en jour : une affiche de propagande de la Ligue Nord représentait une poule milanaise pondant un oeuf en or tombant " malencontreusement " vers le Sud.
Ce problème des rapports entre la Sicile et la Péninsule était la préoccupation de nombreux artistes et intellectuels majeurs de l'après-guerre, et des cinéastes en particulier : Rossellini, Pasolini, Rosi, mais surtout Visconti (Rocco et ses frères, sur l'émigration à Milan d'une famille, La Terre tremble, film tourné avec de vrais pêcheurs et en dialecte). L'auteur du fameux Guépard voyait dans ce problème du Sud la colonne vertébrale de toute réflexion sur le devenir de l'Italie. Contre l'avis actuel de certaines forces politiques en présence, il pensait que la " sicilianité ", comme le disait Leonardo Sciascia, était la voie de salut de la péninsule...
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