Guide Siena : Arts et culture
Hormis le Foro Romano et la très belle façade du temple de Minerve transformé en église - à l'instar du Panthéon de Rome -, les amphithéâtres de Fiesole et d'Arezzo, il reste peu de monuments majeurs datant de l'époque romaine, dont l'essentiel se trouve évidemment plus au sud. Il faudra, par contre, rester attentifs aux quelques vestiges et témoignages de la civilisation étrusque, sur laquelle les historiens ne savent pratiquement rien. A voir notamment : Perugia, le palais de Murlo près de Sienne, les fameuses tombes monumentales empreintes de mystère tout comme cette peuplade lointaine, et Volterra, dont Luchino Visconti avait fait l'écrin de son Vaghe Stelle dell'Orsa, avec Claudia Cardinale.
Les grands chefs-d'oeuvre incontournables de style roman, si particulier à la Toscane, et qui préfigurent les inventions magistrales de la Renaissance sont le campo dei Miracoli de Pise, composé de la cathédrale, du campanile, du baptistère et du campo santo (construits entre les XIe et XIVe siècles, référence innovatrice de l'époque), la cathédrale de Lucca s'inspirant de celle de Pise, le baptistère de Florence ou encore l'église San Miniato qui, par le jeu subtil des géométries et à la coloration d'une grande modernité, cherchent à s'évader des ténèbres du Moyen Age pour s'engager vers la lumière de la Renaissance. La recherche de la géométrie dans le style roman en Ombrie (San Rufino à Assise) caractérise aussi ce désir de lumière et d'apesanteur. Le style gothique, dans la lignée du style roman, rechercha davantage le monumental. C'est le cas du palazzo Vecchio de Florence, du palazzo Pubblico de Sienne ou encore de celui d'Orvieto (le plus vieux palais gothique d'Italie), qui, par ses dimensions écrasantes tente de symboliser et d'asseoir le pouvoir politique. Autres exemples de cette recherche du monumental donnant à l'homme le sentiment du sacré, d'un pouvoir dépassant ses limites terrestres : Santa Maria Novella (seule la façade est décorée, une caractéristique de la période gothique en Italie, au contraire de la France), et Santa Croce à Florence, modèle de sobriété et de simplicité à la fois robuste et légère. Enfin, la plus célèbre de toutes est évidemment la basilique San Francesco d'Assise (1228-1253). Recherche de justes proportions, de simplicité, d'un rapport au corps humain, de lumière, d'apesanteur. Des styles (roman et gothique) qui annoncent les enjeux essentiels de la Renaissance.
Filippo Brunelleschi (1377-1446), Florentin de naissance, il bouleverse l'architecture de son temps et donne à l'architecte ses galons d'artiste. Le temps de l'anonymat des bâtisseurs de cathédrale est révolu. Le monument n'est plus seulement une oeuvre au service de Dieu, mais la concrétisation de la vision unique d'un individu et de son dialogue avec le divin. Véritable savant ayant recours aux mathématiques, il découvre la perspective, c'est-à-dire un monde dont le centre est l'homme : une définition en somme de la Renaissance. Il dessine la célèbre coupole du dôme Santa Maria del Fiore de Florence (l'oeuvre de sa vie est achevée après sa mort), qui fut, en son temps, une révolution tant sur le plan de la construction que sur le plan esthétique, à la fois monumentale et lumineuse, éthérée, irréelle... Ami des humanistes, mais aussi des scientifiques, il a su inscrire son art dans un courant artistique et philosophique majeur. On lui doit aussi la chapelle Pazzi de Santa Croce, ou encore la sacristie de San Lorenzo, commande des Médicis.
A l'époque baroque, les innovations architecturales voient surtout le jour à Rome, car Florence fidèle à la mesure de la Renaissance rejette les délires et les folies du mouvement naissant. La chapelle des Princes de San Lorenzo montre un style baroque fait de retenue, tempérée par le classicisme toscan, comme ce sera aussi le cas dans l'oeuvre de Giovanni Foggini (1652-1725).
Au XIXe siècle, Giuseppe Poggi (1811-1901) peut être appelé le " Haussmann florentin ", puisqu'il fait de la ville une capitale moderne traversée d'artères et de places propices au trafic. A la fin de ce même siècle, le style Liberty, mouvement de l'Art nouveau, connaît un grand succès auprès des classes aisées qui font construire leurs villas en bord de mer, aux abords de Viareggio notamment, comme ce sera le cas pour Giacomo Puccini.
Sinon, il faudra attendre la période fasciste pour voir naître quelques innovations architecturales, avec Giovanni Michelucci et la gare Santa Maria Novella, mais surtout Pier Luigi Nervi (1891-1979). A l'instar de leurs prestigieux aînés, ils ont réussi à inventer un style purement italien. L'un des pères de l'architecture moderne dans la péninsule, Pier Luigi Nervi, alors jeune ingénieur, inventa de nouveaux procédés techniques en utilisant de manière esthétique le béton armé. Ce structuraliste bâtit au début des années 1930 le stade de Florence, puis continua sur sa lancée avec le Stadio Flaminio et le palazzetto dello Sport à Rome. On lui doit également l'immeuble Pirelli de Milan (réalisé avec un confrère aussi talentueux, Gio Ponti) que tous les étudiants en architecture connaissent. Avec Nervi (qui trouvait un écho en France avec Le Corbusier, en Allemagne avec Gropius et aux Etats-Unis avec Franck-Lloyd Wright), le modernisme était lancé.
Avec Milan, Florence est la capitale incontournable de la mode et de l'élégance. Les défilés dans le cadre du prestigieux palazzo Pitti restent la référence. Ne pas hésiter à contacter l'office de tourisme, toujours désireux de promouvoir la mode made in Firenze, pour obtenir des adresses ou des dates de fashion shows. C'est que le vêtement est considéré comme une expression d'affirmation sociale, une confirmation individuelle, un moyen de communication important des personnes et des peuples. La motivation érotique est donc l'une des grandes impulsions dans le choix du vêtement. Les petits artisans héritiers de la glorieuse Renaissance (comme en témoignent les boutiques du Ponte Vecchio) au travail de très haute qualité sont légion. Outre les bijoutiers (Piccini, Gherardi...), se trouvent sur les marchés, en particulier autour de San Lorenzo, moult spécialités de cuir, de maroquinerie ou encore de textile, comme des foulards de soie. Surtout, pour les bourses mieux fournies, Florence évoque tous les grands noms de la mode.
Depuis quelques années, les couturiers et créateurs italiens sont revenus sur le devant de la scène. Parmi eux, quatre grands noms : le Toscan Gucci, Prada, Armani et Versace. Gucci, après l'assassinat de son héritier, a été repris par l'Américain Tom Ford (jusqu'en 2004). Cette marque, autrefois connue pour sa maroquinerie et ses fameux mocassins à mors en nubuck, est aujourd'hui célèbre pour sa sobriété. Giorgio Armani n'est pas en reste, puisque nombre de ses articles (maillots de bain, ceintures, jeans) sont frappés du sigle E.A., Emporio Armani, qui ne signifie pas empire mais bazar Armani. Armani, lui, se situe plutôt dans le chic discret. Il habille, par exemple, Claudia Cardinale ou Isabella Rossellini. Il a lancé des lignes bis un peu moins chères, comme Armani Jeans. Pour Prada, c'est encore une histoire de famille qui a aussi commencé par la maroquinerie. L'empire Versace se démarque radicalement par son style : à l'opposé du chic de bon ton, du beige, du noir, Gianni Versace est l'emblème du " too much ", du style show-biz à outrance. Il est à la mode ce que le néoclassique et le néo-Empire sont à la décoration. Gianni Versace, en juillet 1997, a tristement fait la une de l'actualité : son assassinat à Miami a endeuillé toute l'Italie. C'est sa soeur Donatella qui a désormais repris les rênes de la célèbre marque. Le styliste florentin Roberto Cavalli connaît l'une des plus grandes réussites de la haute couture en reprenant l'héritage flamboyant du Calabrais Versace. Intégrant à ses tissus, coupés de manière très sensuelle, des imprimés d'animaux sauvages et en jouant avec fantaisie des dorures et des parements, il est très apprécié des célébrités pour son art d'allier glamour et provocation, innovation et décontraction. Il a signé, par exemple, un contrat d'exclusivité avec Victoria Beckham et fut le premier à annoncer demeurer fidèle à Kate Moss lorsqu'elle fit face à de nombreuses difficultés en 2006. Dans un style plus classique, plus couture, citons Valentino, également ami des stars. Il habille Claudia Schiffer et Sharon Stone. Son style " hollywoodien " se signale par son côté sophistiqué (robes brodées de paillettes, incrustées de dentelle). Il a pris sa retraite en 2008. Gianfranco Ferré (décédé le 17 juin 2007, à 62 ans), ancien de la haute couture chez Dior, se situait aussi dans la lignée traditionnelle, genre " je vais à la cérémonie des Oscars ", et habillait, entre autres, Andie McDowell et Iman Bowie.
Pour compléter ces informations, deux musées valent la peine d'être signalés : le musée Ferragamo (via Tornabuoni) du célèbre créateur de chaussures et le tout nouveau musée Gucci, inauguré en septembre 2011 (Piazza della Signoria).
Dans le domaine de l'artisanat, l'Ombrie possède une tradition d'une richesse exceptionnelle, heureusement à nouveau encouragée et soutenue par les autorités locales.
La céramique, que l'on voit aussi en Toscane, trouve un essor et un savoir-faire tout particulier en Ombrie dès le Moyen Age et la Renaissance : celle de Pérouse, Deruta, Orvieto (sobriété géométrique des formes), de Città di Castello ou encore les splendides émaux de Giubbio sont des chefs-d'oeuvre de l'artisanat. A Ficulle, on travaille encore la terre cuite.
Tissus. Sous les influences aussi diverses que celles de la France (des tapissiers de Lille) et aussi du Moyen-Orient, l'art des tissus se développe principalement à Pérouse aux XIIe et XIIIe siècles. Les figures géométriques subtiles représentant des hommes ou des animaux sur des nappes à usage sacré ou profane, ou des voiles, sont devenues fameuses dans toute l'Europe. Les dentelles de Pérouse (la " flamme de Pérouse ", tissée à la main) et d'Assise (avec son célèbre " point d'Assise ", point Renaissance à double croix), ou encore les broderies de Panicale sont des traditions toujours bien vivantes.
Le bois est l'autre matériau de prédilection des artisans ombriens. Le raffinement des lambris de la salle della Mercanzia de Pérouse ou la chaire de San Lorenzo à Spello, tout comme de nombreux autres édifices religieux ou palais, en témoignent. Todi possède encore aujourd'hui des ébénistes et des restaurateurs, Pérouse des antiquaires, et les artisans d'Orvieto travaillent le bois dans un style novateur et moderne.
Autre matière qui orne les édifices religieux : le fer forgé de Gubbio ou Orvieto. A voir notamment à Pérouse, la grille de la chapelle de San Bernardino dans le Duomo. Aujourd'hui encore, Assise et Gubbio travaillent le fer. Ce dernier est réputé pour ses reproductions d'armes anciennes.
En plus du vin, de l'huile, du saucisson et des cantuccini, on peut toujours ramener des objets d'artisanat (céramiques, objets en bois d'olivier, etc.), des accessoires en cuir (par exemple des gants chez Sermoneta - il y a une boutique à Florence), des bijoux (l'or rivalise avec les camées sur le Ponte Vecchio), des jouets en bois de chez Bartolucci (magasins à Florence, Pise, Terni, Assise, Orvieto et Montepulciano)...
Il existe un rapport entre l'Italie et le cinéma, comme avec toutes les formes d'art. De Sica, Rossellini et Visconti ont en effet créé des chefs-d'oeuvre, dont les contenus universels possèdent pourtant des structures narratives facilement identifiables. L'attention critique portée à la société, le rendu du langage dans sa crudité et l'amour porté aux gens simples, sont les marques de fabrique de ce qui fut ensuite nommé " cinéma italien " en donnant naissance au néoréalisme mais aussi à la comédie à l'italienne. D'autres metteurs en scène, comme Mario Monicelli, Pietro Germi, Antonio Pietrangeli et Dino Risi s'en inspirèrent. Les années 1960 ont été sans nul doute les plus riches pour la péninsule. Les expériences de Michelangelo Antonioni, les formes avant-gardistes de Mario Bava et Sergio Leone, le cinéma poétique de Federico Fellini et de Pier Paolo Pasolini en constituent les fleurons. Le film La Dolce Vita fut un phénomène extraordinaire qui dépassa de très loin la peinture des moeurs réalisée par Fellini. La représentation d'une réalité violente et difficile — appartenant donc encore totalement au néoréalisme - passait par la description d'un monde fastueux et éblouissant, vide et pauvre d'idéaux. Du film féroce et souvent très pessimiste, ne reste pour l'imaginaire populaire qu'Anita Ekberg, entrant avec sa grande robe du soir dans la fontaine de Trévi. L'image est dorénavant légendaire et dépasse totalement la démonstration du film. Elle appartient totalement à l'Italie. Le cinéma littéraire de Luchino Visconti et le cinéma politique/polémique de Bellocchio et Ferreri irriguent tout autant les metteurs en scène. Mais si Antonioni est de Ferrare, Fellini de Rimini, Visconti de Milan (les Visconti seigneurs de la ville étaient les ennemis jurés des Médicis à la Renaissance), Pasolini de Bologne, et que tous se sont implantés à Rome, capitale du cinéma avec Cinecittà, quelques grands noms surgissent néanmoins de Toscane ou d'Ombrie.
Mauro Bolognini (né à Pistoia en 1922, décédé à Rome en 2002), tout comme Monicelli, fait partie de ces cinéastes honnêtes qui, sans atteindre le génie d'un Fellini ou d'un Antonioni, n'en restent pas moins attachants. Un ton intimiste, des études psychologiques fouillées, l'art du portrait et une belle photo caractérisent les oeuvres principales de Bolognini, c'est-à-dire celles réalisées au seuil des années 1960. La production postérieure, assez importante, est de moindre intérêt. A voir donc, les meilleurs : Les Garçons (1960), adaptation du roman Ragazzi di Vita de Pasolini, qui fut aussi le scénariste du Bel Antonio (1960) avec Mastroianni et, enfin, Le mauvais chemin (1961) avec Claudia Cardinale.
Mario Monicelli (né à Viareggio en 1915, décédé à Rome en 2010) appartient à la grande lignée des réalisateurs de comédies italiennes. Le Pigeon, avec Marcello Mastroianni et Vittorio Gassman, est son premier film de renommée mondiale, qui, paradoxalement, le cataloguera dans le genre de la farce. Pourtant, sa finesse, mais aussi sa férocité dans la critique de la société bourgeoise ont une autre portée. Voir impérativement : Un bourgeois tout petit petit avec un génial Alberto Sordi, Romances et confidences et Mes chers amis, dont la scène de gifles est un morceau d'anthologie.
Les derniers cinéastes toscans vivants, en activité et connus mondialement sont Franco Zeffirelli, les frères Taviani et, bien sûr, Roberto Benigni.
La Toscane et l'Ombrie ont inspiré de nombreux réalisateurs (pas seulement italiens) et ils ont été nombreux à choisir une de ces deux régions comme cadre - voire comme protagoniste ! - de leurs films. On citera :
François et le chemin du soleil (1972) de Franco Zeffirelli (Assise)
La Nuit de San Lorenzo (1980) des frères Taviani (San Miniato)
Chambre avec vue (1986) de James Ivory (Florence)
Francesco (1989) de Liliana Cavani (Assise)
Le Syndrome de Stendhal (1996) de Dario Argento (Florence)
Beauté volée (1996) de Bernardo Bertolucci (dans le Chianti)
Le Patient anglais (1996) d'Anthony Minghella (Viareggio et Pienza)
La vie est belle (1997) de Roberto Benigni (Arezzo et Terni)
Songe d'une nuit d'été (1999) de Michael Hoffman
Sous le soleil de Toscane (2003) d'Audrey Wells
Miracle à Sainte-Anne (2008) de Spike Lee (Sant'Anna di Stazzema, Versilia)
Copie conforme (2010) d'Abbas Kiarostami (Lucignano)
C'est en Toscane et en Ombrie que naît la littérature italienne. Le Cantique des Créatures de saint François d'Assise (1225) est la plus ancienne pièce littéraire en italien. Trois noms marquent ensuite la littérature et la Toscane au XIVe siècle : Dante, Pétrarque et Boccace - le père de la nouvelle Décameron qui représentera un modèle pour les siècles suivants. Comme en France, ce sont les troubadours du XIIIe siècle qui parcourent le pays et sont à l'origine d'une tradition littéraire.
Guido Cavalcanti (1260 environ-1300). C'est le Villon italien, le premier poète reconnu et influent jusqu'à la Renaissance. Contemporain et familier de Dante, il prend part à la lutte entre guelfes et gibelins et tient une place importante dans la vie florentine. Il n'a d'ailleurs quitté Florence que fort rarement. Il y est né et y est mort. Suivent dès lors les grands noms qui marquèrent la culture humaniste mondiale...
Dante Alighieri (1265-1321). Goethe le trouvait ridicule... mais il n'en reste pas moins celui qui, à travers La Divine Comédie, poussa la langue aux frontières les plus extrêmes de l'indicible, cherchant à chanter la lumière, le silence. Les trois parties, L'Enfer, Le Purgatoire et Le Paradis, s'imbriquent dans une étourdissante allégorie poétique et philosophique pour décrire la quête humaine vers l'être suprême. C'est d'ailleurs l'oeuvre d'une vie d'homme, composée sur une douzaine d'années à partir de 1308 environ. Le personnage principal de ce moteur puissant, d'un christianisme généreux et rigoureux, est une femme aimée, Béatrice, morte jeune et béatifiée par l'auteur (on dit que Béatrice pourrait avoir été inspirée par la propre fille de Dante). A Florence, sa vie publique fut semée d'embûches après des débuts prometteurs. Alors qu'il occupait une place avantageuse due à ses prises de position marquées par la droiture et la fermeté, il fut pris dans les luttes intestines entre blancs et noirs (au sein de la ligue des guelfes), jugé et condamné, par contumace, à l'exil. Cet événement qu'il ressent comme une cruelle injustice est aussi un détonateur de son oeuvre future, devenue nécessaire pour rétablir une morale qui se trouve menacée. S'il regretta le reste de sa vie l'ingratitude des Florentins, il n'eut aucune peine à trouver des appuis dans le reste de l'Italie et termina ses jours à Ravenne, où il repose.
Pétrarque (1304-1374). L'alter ego de Boccace est né à Arezzo en 1304. Avec les difficultés politiques de l'époque (lutte des blancs et des noirs en Toscane), sa famille doit s'exiler en Provence. Pétrarque étudie en Avignon, puis revient terminer droit et théologie à Bologne. Pétrarque est, par essence, le poète de l'instant qui passe, de la fugacité du temps et des sentiments, sans cesse heureux, sans cesse déçu (" et rose elle a vécu... ") par " l'insoutenable légèreté de l'être ". Mais son oeuvre est aussi didactique. Il a étudié et assimilé les Anciens, il a proposé une nouvelle poésie, en accord avec l'humanisme rayonnant dans les milieux intellectuels de l'époque, et a servi de référence, de son vivant, aux plus grands poètes de son temps. Il menait une vie simple, partagé entre la douce sérénité de la Provence et son pays natal, sachant toujours trouver le coin propice à ses méditations. La plupart de ses poèmes les plus importants ont été réunis dans le recueil Il Canzoniere. Voltaire, jamais avare de commentaires plaisants, l'a appelé " le génie le plus fécond dans l'art de dire toujours la même chose ".
Boccace (Giovanni Bocaccio) (1313-1375). Le premier grand conteur italien est peut-être né à Paris, comme l'affirment certains de ses biographes. Il est en tout cas certain qu'il est issu d'une riche famille de Florence et que son père banquier voyage beaucoup. Le petit Boccace est envoyé à Naples, où il se passionne pour la vie brillante des artistes de l'époque et pour la littérature en particulier. Il connaît une carrière politique et publique plutôt réussie, malgré les difficultés financières de la banque de son père, qui mourut en 1349 en laissant des dettes. C'est l'année suivante, en 1350, qu'il entame la rédaction du monumental Décaméron - dont on connaît la magistrale et jubilatoire adaptation de Pier Paolo Pasolini - et qu'il fait la connaissance de Pétrarque, rencontre capitale pour la littérature italienne. C'est la naissance d'une amitié et d'une entente indéfectibles. Le salon de Boccace devient un vivier d'où fuseront toutes les idées humanistes du siècle. Les ouvrages qui suivront en seront imprégnés et, vers la fin de sa vie, il se rapprochera des " bonnes oeuvres " pour mériter les " bonnes grâces ". La verve de son style et de ses histoires en font l'un des grands novateurs de la littérature italienne.
Machiavel (Niccolò Machiavelli) (Florence 1469-1527). Sous le nom de machiavélisme, l'esprit de sa doctrine est passé dans le langage commun, où il a pris une connotation péjorative. Sa conception de la nature humaine et de l'exercice du pouvoir est pourtant remarquable. Elle est le fruit de ses expériences politiques (il est diplomate dans la République florentine) et d'une culture humaniste qu'il a su dégager de toute considération morale pour renforcer son efficacité. Cette conception, plus réaliste que cynique, éclate dans son célèbre livre Le Prince, écrit pendant la période de mise à l'écart au retour de Julien de Médicis à Florence (1512). Résumée sous la célèbre formule " la fin justifie les moyens ", sa doctrine politique se veut une aide à l'unification de l'Italie que Machiavel appelle de ses voeux. Il connaît un retour en grâce vers la fin de sa vie, puisqu'il se voit confier le rôle d'historien de Florence en 1520 et celui de surintendant aux fortifications en 1526. Il n'empêchera pas la chute des Médicis et meurt l'année suivante. Outre ses ouvrages politiques, il laisse une remarquable comédie, La Mandragore.
L'Arétin (1492-1556). Pietro Bacci doit son pseudonyme, comme c'était souvent le cas pour les artistes, à son origine. Né à Arezzo donc, en 1492, il se passionne pour les arts, échoue dans la peinture avant de verser dans la littérature. Brillant orateur, il fait merveille dans les salons, s'installe à Rome et fréquente les " grands " grâce au fameux Agostino Chigi, grand protecteur des arts. Il joue les courtisans, aiguise ses traits, cultive la satire et donne son avis sur la vie publique et politique dans divers écrits. Chance supplémentaire, l'un de ses meilleurs amis devient pape (Clément VII). Il tutoie François Ier et Charles Quint, et en profite si bien qu'il se fait de nombreux ennemis et doit fuir la capitale pour Venise, où le doge Gritti l'accueille à bras ouverts. C'est la grande époque. L'Arétin le licencieux tient la maison la plus enviée d'Italie, toute la haute société vénitienne vient y souper (Titien est l'un de ses intimes) et les belles filles peu farouches y sont légion. Il compose quelques oeuvres grivoises et d'autres plus sérieuses que son talent et son aisance lui permettent d'ajuster selon les désirs de l'époque : quelques comédies brillantes, et même des oeuvres pieuses pour faire plaisir à l'Eglise et briguer la robe de cardinal dont il rêve. Il meurt cependant avant de l'avoir obtenue.
Il faut attendre le XIXe siècle pour voir ressurgir des oeuvres originales, comme celle de Carlo Collodi (1826-1890). La création du personnage de Pinocchio, thème quasi récurrent dans la littérature italienne (l'aspiration à devenir un homme), lui a assuré le succès pour l'éternité. Né à Florence, de son vrai nom Lorenzo Collodi, il est d'abord journaliste et s'engage pour la construction de l'Unité italienne. A l'âge mûr, il compose des oeuvres pour enfants, et c'est de cette époque que date la série des aventures de Giannettino (Petit Jean). A partir de 1881, il publie en feuilleton, dans le Giornale per i bambini, l'histoire de Pinocchio qui connaîtra un foudroyant succès.
Giosuè Carducci (1835-1907). Originaire de Maremma, ce poète néoclassique a eu souvent la dent dure pour ses collègues contemporains et pour les romantiques à la langue mièvre. Intègre et passionné, il a été admiré de son vivant pour ses prises de position en faveur d'un retour aux " vraies valeurs " et pour son amour des poètes latins. Il fut le premier Italien à recevoir le prix Nobel de littérature (en 1906).
Parmi les auteurs contemporains, le Pisan Antonio Tabucchi (né en 1943) est le seul auteur italien de stature internationale. Ses oeuvres les plus connues sont : Pereira prétend, Le temps vieillit vite, ainsi que Nocturne indien (ce dernier a été adapté au cinéma par Alain Corneau)...
Souvent moquée, la télévision italienne pourrait bien être la plus bête du monde. Si la plupart des Italiens disent en avoir honte, l'audience ne faiblit pourtant pas... L'arrivée, ces dernières années, du câble semble suivre la tendance. Femme en maillot de bain sur les plateaux de TV tous les soirs pour accompagner les présentateurs, marionnettes fatigantes au possible, spots de pub à répétition... Avec un peu d'objectivité, on admettra des similitudes avec les programmations des chaînes françaises, et l'accumulation navrante d'émissions people, racoleuses (trash, bimbos...) et de la télé-réalité, en plus poussées cependant. Les premiers programmes télévisuels sévissent depuis le 1er janvier 1954. Jusqu'en 1975, comme dans de nombreux pays européens, la radio et la télévision restèrent sous contrôle de l'Etat. Suite à la libération de cet espace, de nombreuses chaînes privées et commerciales s'installèrent, comme Canale 5, Rete 4, Italia 1 (appartenant à Silvio Berlusconi). RAI est, bien sûr, la première chaîne italienne.
La presse s'en sort mieux, et les Corriere della Sera (www.corriere.it) et Repubblica (www.repubblica.it) sont parmi les derniers bastions des quelques intellectuels qui restent. L'Italie a une longue tradition de libre expression de la presse écrite. Certains journaux sont d'ailleurs parmi les plus anciens d'Europe, comme La Nazione (1859), La Stampa (1867), ou encore Il Corriere della Sera (1876). Toutes les tendances, politiques, économiques, sociologiques et culturelles sont représentées et diffusées. Qu'elle soit d'ampleur nationale (La Repubblica), ou locale, la presse foisonne en Italie. Les journaux les plus importants ne sont pas forcément ceux qui paraissent dans la capitale, comme c'est le cas en France. De nombreux quotidiens de Turin, Milan ou Florence ont une diffusion nationale, voire internationale, ceci s'expliquant par l'organisation particulière de l'Italie, et par son passé.
Ainsi, parmi les quotidiens les plus appréciés dans toute l'Italie : Il Corriere della Sera (Milan), le quotidien le plus lu du pays, La Stampa (Turin), La Repubblica (Rome), Il Messagero (Rome), et L'Unità, le quotidien fondé par Antonio Gramsci (deux éditions, l'une à Rome, l'autre à Milan). Depuis 2009, la presse italienne doit aussi compter avec Il fatto quotidiano, qui joue la carte de l'indépendance en refusant les financements publics susceptibles d'exercer une influence sur l'information que le quotidien essaye systématiquement de présenter d'une manière alternative. Pour ce qui est de la presse régionale, en Toscane, on lira Il Tirreno ou La Nazione ; en Ombrie on se procurera Il Giornale dell'Umbria.
Presse économique : Sole 24-ore (Milan), Milano finanza et Il Corriere mercantile (Gênes) sont les titres les plus représentatifs de la presse économique et financière.
Parmi les quotidiens sportifs, la Gazzetta dello Sport (Milan) est incontournable en la matière. Ce canard se distingue par sa couleur rose. A signaler également, le Corriere dello Sport (dérivé sportif du Corriere della Sera) ou Tuttosport. Ils sont tous deux bien représentatifs du sport italien : les trois quarts de l'espace rédactionnel sont consacrés au football.
Les magazines hebdomadaires et mensuels tiennent, eux aussi, une place importante dans la vie des Italiens. L'Espresso, Panorama ou Gente (people) développent les sujets les plus divers, et sont très utiles pour qui veut comprendre la société italienne contemporaine.
Sortir à Florence. Le meilleur magazine pour tout connaître de l'activité culturelle de la ville, des soirées et autres manifestations, s'appelle Firenze Spettacolo (www.firenzespettacolo.it).
Dans les grandes villes comme Florence, Sienne ou Pérouse, il est facile de trouver les classiques de la presse française et internationale (Le Monde, Le Figaro).
Les premières émissions radiophoniques datent du 1er janvier 1925. Très tôt, la RAI (Radio Audizione Italia) est inaugurée. Monopole d'Etat, elle est toute-puissante et incontournable. Il existe aujourd'hui trois stations nationales et plusieurs centaines de stations locales... A découvrir en se baladant sur les ondes ! Voici quelques radios musicales. Les fréquences données sont celles de Florence.
Controradio, 93.6 FM. Une radio basée à Florence, avec des informations locales, mais aussi internationales. Musique plus indépendante.
Radio Toscana, 104.7 FM. Radio généraliste, mélangeant informations régionales et musique.
RDS, 98 FM. Chaîne musicale destinée à un large public. La playlist se compose des grands succès italiens et internationaux.
Radio Deejay, 99.7 FM. Radio très interactive. La musique y est éclectique et les animateurs nous offrent des émissions intéressantes.
Subasio, 89.0 FM. Uniquement disponible en Ombrie. La fréquence indiquée est celle de Pérouse. Radio musicale.
La musique, comme la peinture, commence naturellement par la religion. On chante en latin des chants grégoriens, alors que Guido d'Arezzo (1000 environ-1050) invente la notation et la lecture musicale. Moine bénédictin, il découvre une méthode révolutionnaire pour l'époque qui permet une écriture musicale beaucoup plus pratique que celle utilisée jusqu'alors. Chassé de son monastère pour ses idées novatrices, il trouve refuge auprès de l'évêque Théobald d'Arezzo, en 1023. Là, il peut développer sa pensée en toute liberté. Poètes et musiciens, les troubadours se produisent hors des frontières pour promouvoir madrigaux et chansons épiques. C'est la Toscane qui sera le berceau d'une véritable évolution musicale. A la cour florentine de Laurent le Magnifique, les artistes rivalisent pour mettre les plus belles poésies en musique, et à Sienne est fondée la première académie. A la fin du XVIe siècle, c'est encore à Florence que naît un genre qui va révolutionner l'histoire de la musique : l'opéra. Un compositeur natif de Crémone va lui donner ses premières lettres de noblesse avec son Orfeo, joué pour la première fois en 1607 : c'est Monteverdi. Mais loin du génie de ce dernier, mort à Venise dans la misère, une incompréhension et un mépris total, quelques musiciens académiques se disputeront les lauriers des siècles à venir.
Luigi Boccherini (1743-1805). Violoncelliste lucquois talentueux (à 13 ans, il donne sa première représentation), il s'exile à Rome pour parfaire son art, puis à Paris, accompagné du violoniste Manfredi. Là, remarqués par l'ambassadeur d'Espagne, ils prennent en 1769 le chemin de Madrid, où Boccherini devient en 1770 le violoncelliste et le compositeur de l'infant Don Luis. Il se met ensuite au service des plus grands de ce monde (Frédéric de Prusse). Il est l'auteur d'un très célèbre menuet.
Luigi Cherubini (1760-1842). Compositeur florentin, spécialiste pompier de la musique sacrée, il travaille pour les théâtres et opéras de Toscane, puis vient s'installer à Paris. C'est là qu'il compose la majorité de ses oeuvres (Lodoïska, Médée, L'Hôtellerie portugaise...) aujourd'hui peu jouées. Vivant chichement de son art, il devient professeur au conservatoire en 1795. Haï par Napoléon, mais admiré par Haydn, il doit attendre la Restauration pour vivre réellement de ses compositions. Après un bref passage par Londres, il devient directeur du Conservatoire (1822). Son oeuvre majeure fut composée pour la messe de couronnement de Charles X, en 1825.
La gloire de la Toscane, et de Lucca en particulier, c'est évidemment Giacomo Puccini (1858-1924). Tout d'abord organiste, il va suivre à Milan une formation musicale qu'il souhaite mettre par la suite au service du théâtre et de l'opéra. Ses premières oeuvres sont un succès (Le Villi, Edgar et Manon Lescaut). En 1896, il crée son chef-d'oeuvre, La Bohème. Suivra le non moins célèbre opéra Tosca (1900), puis Madame Butterfly (1904). Il se laisse tenter par l'aventure américaine (La Fanciulla del West). Il réside et travaille en Amérique jusqu'en 1919 approximativement et meurt à Bruxelles en 1924. Il a fait, après Rossini et Verdi, la légende de l'opéra italien, mais son génie dépasse les sphères simplement théâtrales. Toujours attentif à l'innovation musicale (les harmonies audacieuses de son dernier chef-d'oeuvre inachevé, Turandot, le montrent), il fera le voyage jusqu'à Vienne pour entendre le Pierrot lunaire de Schönberg qui le trouble et l'impressionne profondément.
Marco Masini (né à Florence en 1964) nous prouve que la région est encore capable d'engendrer des artistes de renommée internationale. Ce dernier connut le succès en 1990 lorsqu'il gagna le festival de San Remo dans la catégorie " jeunes espoirs " avec sa chanson Disperato. C'est sa chanson sur la drogue Perché lo fai qui le fera connaître en France en 1991.
Piero Pelù enfin (né à Florence en 1962) fut le chanteur du groupe Litfiba avant d'entamer une carrière solo à partir de 1999. Ce rockeur nous entraîne dans une musique comparable à celle de Noir Désir.
En peinture, c'est Byzance qui inspire les Primitifs, avant que Cimabue (1272-1302) avec ses Crucifix ne trouve la synthèse parfaite entre l'art byzantin et une expression proprement italienne.
La modernité de Giotto (1265-1337) surprend et bouleverse encore. Un siècle avant Andreï Roublev, 150 ans avant Fra Angelico, Giotto a mis la couleur et l'émotion dans la peinture religieuse. Né vers 1265, il est mort à Florence en 1337 et, loin de se laisser enfermer dans une époque (le Moyen Age, le gothique), il devient une figure unique, précurseur et intemporel à la fois. On admire autant les fresques de l'abbatiale Saint-François à Assise que ses oeuvres de jeunesse, habitées par la plénitude qui transparaît déjà dans celles de l'église Santa Croce (chapelles Peruzzi et Bardi) à Florence ou à Padoue (chapelle Scrovegni) qui fascinèrent Marcel Proust. La lumière et l'apesanteur magique propre à son trait se retrouvent dans le miraculeux campanile à Florence, inspiré des joyeuses couleurs du baptistère voisin.
En peinture, et bien avant Michel-Ange, Masaccio (1401-1428) recherche l'expressivité et le naturalisme, tel Donatello en sculpture. Une carrière météorique, mais qui aura pourtant marqué son temps. Masaccio est un génie précoce qui s'installe à Florence à l'âge de 15 ans et impose très rapidement son style. Il est notamment le premier à utiliser la perspective découverte par Brunelleschi, comme dans la Trinité de Santa Maria Novella ou dans sa célèbre Vierge à l'Enfant. Ce qui impressionne dans la pâte de ce jeune peintre mort à 27 ans, c'est l'inquiétude qui transparaît dans ses visages et les regards. Sa personnalité et ses trouvailles de mise en scène ont inspiré nombre de grands artistes des siècles suivants, parmi lesquels Léonard de Vinci ou Michel-Ange.
Fra Angelico (1400 environ-1455). Le grand maître du XVe siècle est né près de Florence à la fin du siècle précédent. Il passa une partie de sa vie au couvent de Fiesole, dont il deviendra prieur en fin de carrière. Dès ses premières oeuvres, il se distingue par son interprétation novatrice des courants de l'époque, gothique notamment, par un trait précis, une utilisation rigoureuse de l'espace qui libère davantage qu'il ne contraint, et une grande richesse dans le détail. Liberté, lumière, invention... tout respire chez Fra Angelico et les Corps Glorieux des anges transcendent l'espace et le temps, dans une joie effrénée que l'on ne retrouvera que chez Dante... Ses travaux se trouvent dispersés dans toute l'Italie, aux Offices à Florence, au musée San Marco, dans le nouveau couvent San Marco de Florence ou dans la cathédrale d'Orvieto.
C'est aussi à San Marco que l'on trouvera les oeuvres de Fra Bartolomeo (1472-1517). Ses peintures religieuses, profondes et illuminées de grâce, malgré un fond souvent sombre, montrent un caractère sobre et solennel. Ce peintre florentin a été un disciple zélé de Savonarole et a su représenter le mystère de la foi avec beaucoup de conviction. On trouvera ses oeuvres en de nombreux lieux toscans, musées et édifices religieux : cathédrales et musée de Lucca, galerie de l'Académie à Florence.
La géométrie devient, avec Paolo Ucello (1397-1475) et Piero Della Francesca (1415-1492), le centre des préoccupations picturales. Piero, monument inclassable de l'histoire de l'art occidental, d'une modernité ahurissante, impressionna Picasso et tout le XXe siècle. Féru de mathématiques, les formes et les couleurs de ses fresques d'Arezzo annoncent l'abstraction. La précision effarante, le silence étrange, la lumière irréelle (de rêve ou de cauchemars) qui imprègnent ses toiles frappent d'admiration les plus grands cinéastes, tels Fellini ou Tarkovski, qui lui rend hommage dans Nostalghia, réalisé en 1983, lors de son exil à Florence.
Dans un tout autre monde, plus séducteur et sensuel, Sandro Filipepi Botticelli (1445-1510) incarne, avec la précision du dessin, la douceur de tons et le velouté des formes (anges rondouillards, madones pleines de grâce, jeunes filles voluptueusement voilées), un courant majeur de son siècle. Quelques-unes de ses oeuvres sont mondialement connues : L'Adoration des Mages, La Naissance de Vénus, Le Printemps. On le trouve, de façon incontournable, à la Galerie des Offices à Florence. Botticelli a travaillé sur les fresques de la chapelle Sixtine et a également illustré La Divine Comédie.
La douceur des paysages d'Ombrie trouve son écrin dans les tableaux du plus grand peintre de la région, Le Pérugin (1450 environ-1523). Comme beaucoup d'artistes de cette époque, Pietro Vannucci doit son nom à sa ville natale, Pérouse. Le style classique du Pérugin s'inspire de Piero Della Francesca, et utilise les ressources de l'époque avec bonheur en fouillant davantage les innovations de la perspective. On trouve ses oeuvres dans les plus grands musées européens et à la pinacothèque de Pérouse. Le Pérugin a illustré de nombreuses églises toscanes, ainsi qu'une partie de la chapelle Sixtine. Mais il est surtout connu comme étant le maître de Raphaël.
Raphaëlo Sanzio, dit Raphaël (1483-1520), n'est pas ombrien ni toscan, mais est né à Urbino. Cependant, il débuta à Città di Castello, puis à Pérouse et Florence. Autre monument de l'histoire de l'art, il est souvent comparé à Mozart, pour son génie précoce, sa courte vie si riche d'oeuvres, toutes aussi impressionnantes les unes que les autres. Tendresse, mesure et équilibre miraculeux ont fait la renommée de ses Madones, en particulier. La puissance expressive de ses portraits, la concentration du regard, la précision et le silence mélancolique ne peuvent qu'émouvoir. La majeure partie de ses oeuvres à Florence se trouvent aux Offices et dans la galerie du palazzo Pitti.
La quintessence du génie de la Renaissance humaniste : Leonardo da Vinci (1452-1519) né à Vinci, près de Florence. Son apport à l'art pictural aurait probablement suffi à le faire entrer dans l'Histoire, malgré un nombre relativement réduit de tableaux, dont de nombreux détruits, disparus ou irrémédiablement abîmés. Outre l'artiste génial que l'on connaît, il fut un ingénieur (notamment militaire) révolutionnaire : il inventa l'hélicoptère ou le char, et même la photographie, car certaines mauvaises langues soutiennent que le linceul du Christ de Turin ne serait qu'une photo de Léonard lui-même... la projection par brûlure de son propre visage sur le tissu, grâce à un procédé d'optique ! Léonard apprend les bases de son art (ou de ses arts : peinture, sculpture...), ainsi que ses premières notions de science à l'atelier de Verrocchio, à Florence, à partir de 1469. De cette première période toscane, on retiendra de sa production L'Adoration des Mages et La Vierge aux Rochers, tableaux dans lesquels il impose une organisation pyramidale des personnages et l'effacement du contour par le procédé du sfumato. Il part ensuite pour Milan (1482) où il se met au service de Ludovic le More (il y restera vingt ans). Là, il se remet sans cesse en question, sous la pression des défis qu'on lui lance, multiplie les recherches et les découvertes. Il noircit d'innombrables cahiers sur les sujets les plus divers, de la mécanique à l'anatomie. Il se passionne d'ailleurs pour cette dernière au point d'opérer, en toute illégalité (la pratique est interdite par l'Eglise), des dissections sur des cadavres volés dans les cimetières. Au début du XVIe siècle, il est de retour à Florence et, au milieu d'études scientifiques auxquelles il consacre l'essentiel de son énergie, il prend quand même le temps de peindre la Joconde, l'un des plus célèbres tableaux de l'histoire de la peinture et une étape essentielle dans l'art du portrait. Après un bref passage à Rome, il accepte l'invitation de François Ier et s'installe en France en 1517. Il meurt au Clos-Lucé deux ans plus tard. L'héritage qu'il laisse est composé pour l'essentiel de dessins : considérant l'art pictural comme complémentaire de la science, il l'a mis au service de ses recherches. Inversement, ses connaissances scientifiques lui permettaient de renouveler de façon spectaculaire les notions de perspective et d'organisation de ses tableaux. Parmi ses dessins, on a trouvé les plans d'engins aussi révolutionnaires que le sous-marin, l'écluse à sas, l'ancêtre du cardan, du parachute et d'autres machines volantes qui prouvent que Léonard a été un très grand ingénieur en mécanique.
En peinture, l'héritage de la Renaissance n'en fut pas moins écrasant. A nouveau et pour les mêmes raisons qu'en architecture, le style baroque s'épanouit à Rome. Hormis Pierre de Cortone (1596-1669) et Luca Giordano auxquels on doit les fresques des palazzi Pitti et Medici, Ludovico Cardi, Il Cigoli (1559-1613) reste le peintre le plus inventif de l'époque.
Au XIXe siècle, les Macchiaioli ou tachistes, influencés par les Français (Courbet et l'Ecole de Barbizon), rassemblés sous les noms de de Nittis, Fattori, Lega s'apparentent à l'impressionnisme qui sévit dans l'Hexagone. Ils combattent l'académisme, refusent les sujets traditionnels et historiques et revendiquent leur désir de réel brut et de lumière.
Enfin, Amedeo Modigliani (1884-1920), enfant de Livourne et exilé à Paris, reste sans conteste le grand nom de la peinture toscane du XXe siècle, libéré de la Renaissance et acteur original et marquant de la modernité.
La sculpture, qui couvre essentiellement les façades des monuments religieux de l'époque, joue comme l'architecture, un rôle fondamental dans l'éducation religieuse des hommes, majoritairement analphabètes. On appelle d'ailleurs les tympans des églises la " Bible des pauvres ", concentré parfois expressionniste et fort impressionnant (voir San Michele ou San Frediano à Lucca) de scènes des Ecritures saintes et des Enfers pour intimider les impies !
Nicola Pisano et son fils Giovanni sont les figures fondamentales de la sculpture gothique. Le rôle essentiel de leur travail s'inscrit toujours dans la tradition de cette " Bible des pauvres ". Il s'agit d'illustrer la Parole divine. Ils se réfèrent à la sculpture antique, et annoncent ainsi un geste caractéristique de la Renaissance. On leur doit principalement la chaire de la cathédrale de Sienne (1265), à laquelle collabora Arnolfo Di Cambio, ou encore la magnifique fontana della Piazza (1278) de Pérouse.
En sculpture comme en architecture, Brunelleschi (1377-1446) joua avec Lorenzo Ghiberti (1378-1455), un rôle de transition vers la Renaissance. On doit à ce dernier, l'un des plus grands orfèvres de son temps, la porte nord du baptistère et les portes du Paradis (1425-1452) à Florence, d'un raffinement exceptionnel, tranchant avec le travail abrupt du Moyen Age.
Mais la figure incontournable de l'époque, génie et précurseur visionnaire est, sans conteste, Donatello (1386-1466). Il a su interpréter de manière radicale le style gothique pour ouvrir la voie de la Renaissance. De son vrai nom Donato di Betto Bardi, il naît et vit à Florence, où ses premiers travaux voient le jour vers 1408. Il intègre, dans des scènes vivantes et stupéfiantes de précision, la mythologie antique ou l'hagiographie, et se montre aussi éblouissant dans l'illustration religieuse que dans le portrait. Mais, au contraire de ses prédécesseurs, il dépasse cette simple illustration pour retrouver dans la matière les forces et les énergies de la nature, et annonce ainsi Michel-Ange. Nombre de ses oeuvres sont des classiques absolus, comme son David en bronze, au musée Bargello de Florence, ou son expressionniste Marie-Madeleine, figure bouleversante de la fin de la vie du créateur. On peut voir également quelques-unes de ses oeuvres (autels, crucifix) à la basilique de Padoue, ainsi que sa statue équestre de Gattamelata, installée en plein air.
Michel-Ange (1475-1564). Il disait qu'il ne s'agissait pas, pour l'artiste, de " créer mais de laisser se dévoiler la beauté dans le marbre nu ". Sculpteur et peintre, mais aussi poète ou architecte. Il fait son apprentissage dans l'atelier des Ghirlandaio, puis avec Bertoldo di Giovanni, dans les jardins du palais des Médicis. Il découvre ainsi la statuaire antique, dont la famille possède une abondante collection, et s'assure la protection de Laurent le Magnifique. Il fréquente les plus grands esprits de l'époque et est notamment séduit par les idées de Platon, alors fort commentées. Michel-Ange est bouleversé par la mort de son protecteur et les prédications de Savonarole, et s'enfuit à Bologne, puis à Rome. C'est là que l'artiste mûrit et bouscule déjà les idées reçues avec la pietà de la basilique Saint-Pierre. On lui reconnaît (à juste titre) toutes les qualités : la perfection technique et l'inspiration heureuse, l'énergie et la précision anatomique. Il navigue entre Rome et Florence, travaillant pour les plus grands (les Médicis à Florence et les papes à Rome) et semant les chefs-d'oeuvre les uns après les autres : le David ou la nocturne chapelle funéraire des Médicis à Florence, la chapelle Sixtine à Rome. A partir de 1534, il choisit définitivement Rome, et son art devient de plus en plus tourmenté, que ce soit en peinture, en sculpture ou en poésie. Cette évolution est particulièrement frappante dans son Jugement dernier qui orne la chapelle Sixtine. Il se rapproche du mouvement réformateur des spirituels et ses interrogations métaphysiques transparaissent dans les rares travaux de la fin de sa vie, période qu'il consacre essentiellement à l'architecture. Il devient d'ailleurs architecte officiel du Vatican et travaille à la coupole de Saint-Pierre ou encore à la place du Capitole. A sa mort, son génie est largement reconnu et célébré.
Autre figure de sculpteur attachante de l'époque, mais quelque peu éclipsée par Michel-Ange : Benvenuto Cellini (1500-1571), dont le fougueux Persée orne la piazza della Signoria à Florence. Ce Florentin a marqué son temps par la qualité de ses travaux, mais aussi par le récit de sa vie mouvementée et passionnée (La Vita), fidèlement transcrite par son assistant et qui inspira un opéra à Hector Berlioz. Il est célèbre fort jeune puisque, à 20 ans à peine, il reçoit une commande du pape Clément VIII et s'installe à Rome. On lui doit de nombreux bronzes (de François Ier par exemple) et de remarquables portraits.
Antonio Canova (1757-1822), favori des Bonaparte, et Marino Marini (1901-1980), ami et collaborateur de Stravinski ou Henry Miller, seront les deux grands noms de la sculpture toscane, sachant réinventer le passé de manière personnelle et moderne : le premier l'antique, et le second l'art étrusque.
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