Guide Burundi : Arts et culture
Le rugo et l'habitat traditionnel. Le paysage rural burundais est caractérisé par un habitat dispersé sur les collines. Contrairement à l'Afrique des villages, on est ici dans une configuration d'habitat originale, où les maisons sont isolées les unes des autres, ou groupées en petit nombre au sein du rugo (la " concession ", située en général au milieu des cultures). Le terme de rugo (pl. ingo) est employé pour désigner à la fois l'enclos (une ceinture de végétaux entourant les constructions) et la maison d'habitation elle-même, aussi appelée inzu.
Jadis, les huttes circulaires étaient bâties en bois ployé et recouvertes de chaume pour protéger du froid, mais on ne trouve presque plus aujourd'hui ce type de construction (sauf les reconstitutions du Musée vivant et du Petit Bassam à Bujumbura, ou à Gishora et Rubumba). Cependant, de belles maisons existent encore, avec des cases rondes en torchis dites umushonge, blanchies, percées d'une ou deux fenêtres et couvertes d'un toit de chaume conique. On les voit facilement dans le Mugamba et le Bututsi. Comme il s'agit de régions où l'élevage bovin est important, les maisons sont au centre d'un dispositif complexe de clôtures en branches ou de haies vives, qui déterminent les espaces des hommes et du bétail. A l'intérieur des cases, des nattes en écorce de bananier ou en jonc couvrent le sol et un comptoir sert à regrouper les ustensiles d'usage domestique. Ces grands enclos d'éleveurs, pittoresques des paysages agraires du Burundi, disparaissent à mesure qu'on quitte le Mugamba et le Bututsi pour gagner les plateaux centraux.
Les habitations carrées ou rectangulaires (ibanda) dominent dans le Kirimiro et le Buyenzi, et les entités familiales sont moins délimitées par des palissades. L'existence de briquetteries dans ces régions, et un meilleur niveau de vie (revenus du café) permettent des constructions en matériau durable, sur un modèle quadrangulaire répandu par les Belges à l'époque coloniale. Les toits sont de tuile chez les plus aisés, de tôle dans les catégories intermédiaires, d'écorces de bananier chez les plus pauvres. A l'intérieur, le mobilier est rudimentaire : un grand lit de bois pour le couple parental, une table basse et quelques sièges.
Dans les régions de plaine (Imbo) et les Mirwa, on trouve surtout des maisons carrées (ibanda), avec des murs en torchis. Les toits à quatre pentes sont parfois couverts de feuilles de bananier. Là non plus, les enclos ne sont pas matérialisés par des palissades ou des haies. Perdus dans les bananeraies, sur les versants escarpés des Mirwa, ils sont difficiles à distinguer.
Partout ailleurs dans le pays, sur les fronts pionniers, dans les régions littorales ou sur les hauteurs du Bweru et du Buyogoma, l'habitat est composite dans son architecture et son organisation. La tendance est à l'ibanda d'une ou deux pièces, avec toit de tôle.
Des regroupements en villages-rues (le long des axes routiers) ou des alignements le long des pistes deviennent fréquents à mesure qu'on s'approche des villes, surtout de Bujumbura. Dans cette dernière, l'habitat populaire serré du rupango, où vivent dans une pièce ou deux des familles qui partagent une cour et des commodités communes, se mêle aux maisons plus confortables des fonctionnaires et commerçants, aux immeubles et aux villas cossues.
Les vestiges de l'architecture coloniale. Les colonisateurs ont construit de nombreux bâtiments publics, commerciaux et résidentiels. S'il ne reste pas grand-chose de l'empreinte architecturale allemande (le boma à Gitega et de vieilles maisons à proximité), en revanche celle des Belges est plus manifeste, surtout à Bujumbura.
Ainsi, dans le centre-ville existe un vaste périmètre d'immeubles typiques des années 1940-1950, style moderniste ou Art déco avec balcons paquebots (place de l'Indépendance, boulevard de l'Uprona). Une exposition a retracé leur histoire, dont les photos sont exceptionnelles (www.molitor-foto.de/burundi2009). Entre la cathédrale Regina Mundi (années 1950) et le quartier asiatique, se trouvent aussi de vieilles villas coloniales des années 1930. Un peu partout enfin, des bâtiments du milieu du XXe siècle ponctuent la ville (école Bassin à Buyenzi, camp militaire de la Muha, etc.). Malheureusement, en raison de la pression démographique et foncière sur la ville, ce patrimoine est aujourd'hui en danger.
A l'entrée de Gitega, dans la zone du Musée national, se trouve un site qui réunit également plusieurs bâtiments de la fin de la période coloniale (parquet, ancien palais royal). Achevé en 1956, l'ensemble possède quelques caractéristiques typiques comme ces porches cintrés qu'on retrouve à l'école du Bassin de Buyenzi ou à l'Entente sportive. De plus, tous les centres administratifs de province conservent aussi de petits trésors architecturaux. On pense par exemple aux maisons coloniales de pierre à Rutana ou Ngozi, ou encore à la maison des Hortensias, près d'Ijenda.
Etroitement liées à l'installation coloniale, les implantations chrétiennes constituent aussi un gros patrimoine architectural. La moindre colline possède sa vieille église de brique rouge ou de pierre, construite au début ou au milieu du XXe siècle. Certains bâtiments sont splendides, comme la cathédrale de Ngozi.
L'architecture postcoloniale. L'architecture depuis les années 1970 n'a pas toujours eu les moyens (ou le goût) de faire autre chose que des bâtiments fonctionnels sans grande originalité. Les immeubles depuis cette époque sont éclectiques et vont du simple bloc de béton percé de fenêtres au bâtiment en verre fumé, tout aussi cubique et banal. Récemment, on a vu apparaître des constructions qu'à l'évidence on voulait faire remarquer, avec beaucoup de marbre, de verre ou de carrelages (ce qui donne l'impression d'être dans une salle de bains). Une tendance récente est aussi la haute hutte dressée, chaumée à la mode ougandaise (restaurant Baobab, cabaret le Vuvuzela ou site de Resha).
Finalement, les réalisations postcoloniales les plus intéressantes sont les monuments commémoratifs qui occupent les carrefours importants des villes, et ils se sont mulipliés en 2012 à l'occasion de la célébration du cinquantenaire de l'Indépendance. Leurs couleurs (celles du drapeau national) et leur diversité égayent bien des places populaires, avec une thématique souvent commune (le prince Rwagasore ou l'indépendance du pays). Les plus audacieux sont à Ngozi, à Gitega et à Bujumbura, sur la place du palais de Justice.
Enfin, on mentionnera l'actualité architecturale de l'aéroport international de Bujumbura, construit au milieu des années 1980. Ce bâtiment non-conformiste s'inspire d'éléments architecturaux traditionnels (la hutte ronde du rugo) conjugués à des principes contemporains (plaques de verre teinté et de métal). Dénigré par certains à l'époque de sa réalisation, il assure un accueil étonnant aux visiteurs qui arrivent dans le pays.
Bijoux. Les bijoux traditionnels étaient de cuivre, de coquillage ou de corne. Les archers portaient de gros bracelets protecteurs en bois incrusté de cuivre (beaux spécimens au Musée de Gitega). Les ibirezi sont de gros coquillages cylindriques, en forme de croissant de lune, que les femmes portaient autour du cou. Une autre sorte, l'ibihete, était portée par les danseurs intore.
La production d'objets perlés s'est développée au début des importations de perles d'Europe (avant, on utilisait les sam-sam, des perles rouges d'Afrique de l'Est). On fabrique toutes sortes d'objets perlés (igitako) : bracelets, bandeaux de front, bâtons et cannes, serpettes et manches de divers ustensiles. Les couleurs favorites sont le rouge, le bleu, le noir et le blanc, et les motifs géométriques, comme dans les vanneries.
C'est surtout dans les marchés du centre du pays qu'on peut trouver ces objets. A Bujumbura, des artisans ouest-africains fabriquent pendentifs, bagues et boucles d'oreilles en or et en argent. On fabrique aussi de jolis colliers avec les noix du palmier hyphaene de la Rusizi qui, grattées, ressemblent à de l'ivoire. En dehors de cela, tous les bijoux vendus dans le pays (ivoire, malachite) proviennent des pays voisins, surtout du Congo.
Bois sculpté. L'art figuratif n'existait pas autrefois au Burundi, mais une spécialité bien burundaise a vu le jour au milieu du XXe siècle, celle de la sculpture de panneaux, de tambours et de cannes, à usage décoratif. Les panneaux de bois portent des représentations tantôt simples tantôt très élaborées (scènes de la vie quotidienne, des champs ou de l'élevage, tambourinaires et danseurs). Certains panneaux sont d'une pièce, d'autres sont ajourés. Antoine Manirampa est l'un des grands artistes qui se sont exercés à cet art.
On trouve aussi des tableaux très fins réalisés avec des feuilles de bananier. Un groupe célèbre, les Castors noirs, s'en était fait une spécialité dans les années 1990. Aujourd'hui, on ne voit plus ces tableaux que rarement, sur des cartes postales (poste centrale, librairie Saint-Paul à Bujumbura).
Calebasses et pots de bois. Des espèces particulières de courges servent à faire des calebasses utilitaires, une fois évidées et séchées. Rarement décorées, elles sont utilisées comme récipients, pour la bière (umukuza) ou le barattage (igisabo).
Egalement en bois (érythrine), d'autres récipients et ustensiles de cuisine gardent leur couleur naturelle ou sont teints en rouge au moyen d'un enduit rendu brillant et lisse par une application de beurre. Les pots à lait (ivyansi, icakunze) sont courants ainsi que les pots à beurre (isimbo). Bien d'autres objets sont encore réalisés en bois, de plus ou moins belle facture (cuillers, louches, mortiers, auges pour le bétail, boucliers, etc.).
Poterie. La poterie est une spécialité des femmes twa. Elles ne connaissent pas le tour, aussi la technique est celle de colombins ajustés avec les doigts, puis égalisés avec une spatule. Plusieurs opérations de séchage précèdent la cuisson (soleil et ombre), qui a lieu la veille des jours de marché. On cuit les pots sur un lit de branches, les uns sur les autres, en les bourrant et en les enveloppant d'herbes sèches. On les asperge ensuite avec de l'eau froide mélangée à de la cendre pour arrêter net la cuisson.
Les poteries traditionnelles sont sobres. Suivant la région et la terre utilisée, elles présentent, après cuisson, des couleurs allant du rouge au noir. Parfois décorés de motifs géométriques près du goulot, les pots peuvent aussi être recouverts d'une vannerie tressée destinée à leur assurer une plus grande solidité. En achetant une poterie, il faut vérifier la qualité de la cuisson et, surtout, penser au coussinet ingata pour les poser. C'est un anneau en fibres végétales tressées qui sert à équilibrer sur la tête les poteries transportées. On peut l'utiliser comme socle pour les poteries sphériques.
Des poteries contemporaines, colorées et peintes de motifs géométriques ou de scènes de genre, sont réalisées dans divers ateliers artisanaux. Les plus célèbres sont celles produites par la coopérative Mutoyi, en vente à Bujumbura.
Sculpture sur pierre. On trouve dans la région de Bujumbura des pierres tendres et grises que les artisans taillent pour fabriquer des cendriers, des bougeoirs ou de petits mortiers décoratifs. Certains de ces objets sont ouvragés, d'autres plus sobres, avec quelques entailles géométriques.
La pierre utilisée est facétieuse : au toucher, on a l'impression qu'elle se désagrège en poussière (forte ressemblance avec la pierre à savon) ; quand on la mouille, elle est très sombre, mais elle reprend son gris clair dès qu'elle sèche. Si on les lave trop souvent, les pièces finissent par se briser car la pierre est peu résistante.
Tissus. Autrefois, les Burundais s'habillaient d'écorce de ficus frappée (impuzu), qui fut donc le premier textile national. On trouve encore ce genre d'étoffes, ornées de dessins géométriques, sur certains marchés du centre et du sud du pays. Pour les fabriquer, on prélève sur le tronc du ficus des carrés d'écorce qui sont grattés du côté extérieur, puis battus sur un billot de bois à l'aide d'un marteau en corne. Une fois frappées pour évacuer la sève, les écorces doublent de taille et sont assouplies par frottage et immersion. On décore ensuite ces feutres végétaux de motifs noirs, à l'aide de pochoirs trempés dans la suie.
L'introduction dans le pays des cotonnades importées date des années 1930. L'amerikani désignait alors un calicot blanc dont la diffusion sur les côtes orientales de l'Afrique a coïncidé avec le développement des importations de cotonnades venant de Nouvelle-Angleterre (milieu du XIXe siècle). Les Pays-Bas passèrent ensuite maîtres dans la fabrication de wax (impression à la cire) qui inondèrent l'Afrique et continuent d'être les tissus les plus recherchés (et les plus chers).
Aujourd'hui, les pagnes que portent la plupart des femmes burundaises sont donc des wax (véritables ou non), ou des kanga, des pièces doubles de coton bariolé provenant de Tanzanie, agrémentées d'un proverbe en kiswahili. Des tissus " politiques " portent l'effigie de leaders (Nkurunziza, Obama, etc.) ou les slogans de partis. Dans les années 1980-1990, le Cotebu (Complexe textile de Bujumbura) avait mis à la disposition des Burundaises des tissus économiques aux motifs originaux et colorés, dont le succès arriva jusqu'au Kenya. Hélas, ce fleuron de l'industrie burundaise a fermé ses portes en 2007, dans des conditions peu reluisantes (900 ouvriers au chômage). On trouve encore de vieux modèles à l'intérieur du pays, ce sont des collectors !
Les kanga et les wax sont utilisés tels quels pour couvrir les corps féminins, ou travaillés pour créer des robes ou tailleurs (jupe et veste). L'avenue de la Mission et le quartier asiatique à Bujumbura sont les hauts lieux de cette confection très " mode ". On peut fournir des modèles aux couturiers, ou se laisser guider par leur créativité. Le prix de la main-d'oeuvre est dérisoire par rapport à celui du tissu et au temps passé sur la machine à coudre.
La vannerie est l'art burundais par excellence, même si la fabrication de paniers est en réalité avant tout utilitaire (conservation et transport des denrées). Les paniers sont variés, décorés de motifs géométriques et confectionnés en diverses matières végétales, selon les régions et les saisons (bambou, bananier, palmier, joncs, papyrus, roseaux...).
Les paniers inkoko et ibikemanyi (ou ibiseke) sont les plus caractéristiques. On les trouve surtout au centre (Gitega, Mwaro, Muramvya). Ils sont tressés en saison sèche par les femmes et les jeunes filles, avec des brins de feuilles de bananier ou de jeunes pousses de papyrus. Les premiers sont des corbeilles arrondies, tandis que les seconds sont plus hauts, avec un couvercle conique. Ils se ferment hermétiquement et sont étanches. Pour les décorer, on introduit dans le tressage des fibres végétales teintées avec des colorants naturels.
Au nord, on confectionne des paniers inkangara en lamelles de bambou. A Bugarama, cette vannerie a été revisitée sur un mode contemporain original. On fait ainsi des lampadaires montés sur une longue tige de bambou, ou encore des modèles avec deux vanneries superposées, montées sur un même socle.
Le sud du pays a pour spécialité les paniers ibiroranyi et imisumi (Kumoso et Mugamba). Ces paniers en lamelles de bambou ou d'autres végétaux ont la particularité d'être recouverts d'une teinture noire, résistante à l'usage. En général, ils sont fabriqués par les hommes.
De superbes nattes tissées et colorées sont fabriquées vers Ngozi et Kayanza, ainsi que des panneaux de jonc tressé qui servent de cloisons dans les maisons traditionnelles.
Enfin, fibres et tiges naturelles servent à confectionner des objets insolites. Vers Kirundo par exemple, des fauteuils sont fabriqués en lianes ployées, avec l'assise et le dos couverts de peau de vache. L'effet est bluffant, surtout si la robe des vaches est bicolore. Des tabourets à trois pieds sont aussi réalisés sur le même principe. Pour les touristes, on fait des chapeaux assez rigolos en brins cordés, agrémentés de petites graines de couleur qui font un bruit spécial quand on secoue la tête.
La plupart des objets d'art et d'artisanat peuvent être achetés sur les marchés ou les routes de l'intérieur, avec des spécialisations locales renseignées dans les parties consacrées plus loin à la visite du pays. Dans les villes, on pourra visiter les boutiques et points de vente spécialisés.
Les boutiques de l'office du tourisme (aéroport et boulevard de l'Uprona) et de la librairie Saint-Paul à Bujumbura, le magasin Bambino à côté de cette dernière.
Les étals de la Maison fleurie, en face de la librairie Saint-Paul, et l'exposition-vente d'objets africains dans le restaurant Baobab du boulevard de l'Uprona.
Les maisons-boutiques Burundi's Garden et Kaz'o'zah Art, où l'on vend des bijoux en ivoire végétal et diverses créations en pagne.
Le " marché congolais ", en face de l'hôtel Source du Nil.
Au Musée vivant ou juste devant dans des containers, les boutiques de vente d'art, d'artisanat et de produits gourmands du pays.
Les magasins de la coopérative Mutoyi, à Bujumbura (Jabe et Kigobe) et à Gitega.
Le centre artisanal de Musaga, dans le quartier de Musaga, la boutique Amahoro à Kinindo, et l'atelier Bravo Ministries à Musaga, des lieux où les bénéfices des ventes soutiennent des femmes isolées.
Les kiosques d'artisanat de Gitega, juste au-dessus de l'Alliance française.
Les stands de vannerie de bambou, juste avant d'arriver à Bugarama.
Les installations des vendeurs de tapis, porte-pots et hamacs, sur la route entre Bugarama et Kayanza.
Les vendeurs de fauteuils sur les routes du nord et du nord-est du pays (Ngozi, Kirundo).
Tous les marchés du pays, pour les vanneries, poteries, nattes, textiles et bijoux.
Parmi les arts contemporains, la photographie, introduite par les Belges, a longtemps été réduite à une expression destinée à mettre en valeur les personnalités publiques et les réalisations gouvernementales ou religieuses. Certains photographes ont été rendus célèbres par ces clichés, d'ailleurs de grande qualité, comme Lazare Hagerimana (voir ses photos réalisées à l'occasion de l'intronisation du dernier roi burundais en 1966, sur africaphotography.org, rubrique Collections), Evariste Nkunzimana pour le périodique Ndongozi ou encore Pamphile Kasuku (années 1960-1980). Les deux derniers cités ont donné naissance respectivement à Jooris Ndongozi Nkunzimana et Gustave Ntaraka, qui sont eux aussi photographes (le premier a été longtemps le portraitiste officiel de l'Etat burundais).
Depuis quelques années, un renouvellement du traitement de l'image et de l'expression photographique se fait sentir, pour le meilleur de cet art. Quelques noms peuvent être cités, sans prétendre à l'exhaustivité, car le domaine est en pleine explosion.
Teddy Mazina (studio Clan-Destin) réalise ses photographies en noir et blanc la plupart du temps. Il a pris son envol avec des diaporamas réalisés au moment des élections burundaises de 2010. En 2012, il a réalisé sa première exposition à l'IFB (Objectifs Amnésie). Sa page Facebook présente une partie de son travail.
Gwaga signe ses clichés comme des tableaux de peinture. De son nom complet Arnaud Gwaga Mugisha, le " East African photographer ", comme il se surnomme, scrute ses concitoyens et leur vie avec des yeux bienveillants (www.gwaga.com).
Christian Mbanza, photographe, et Nelson Niyakire, peintre et photographe, membres du collectif Maoni, sont plus jeunes dans le métier. Ils ont réalisé leur première exposition, " Libres et enchaînés " à l'hôtel de La Palmeraie en septembre 2012.
Martina Bacigalupo, de l'agence Vu (www.agencevu.com), est italienne mais a fait du Burundi son pays d'adoption depuis 2007. Elle contribue par ses fascinants clichés à faire connaître les destins exceptionnels de gens ordinaires. Plusieurs fois primée pour son travail, en lien avec des ONG humanitaires ou de droits de l'homme, elle a obtenu en 2010 le prix Canon de la femme photojournaliste. Son travail a été publié, entre autres, dans le New York Times, Le Monde, le Sunday Times Magazine, Libération, Vanity Fair et Jeune Afrique. Parmi ses expositions majeures : Paris Photo 2013, New York (Walther Collection, 2013), Scotiabank, Toronto en 2014. En 2012, l'IFB de Bujumbura expose " Les lieux de la Mémoire ". Depuis 2013, Martina est représentée par la Galerie Camilla Grimaldi de Londres.
Rosalie Colfs, d'origine belge, a commencé son histoire avec la photographie au Burundi, dans l'amateurisme dans un premier temps, puis peu à peu dans le professionnalisme. C'est l'homme dans son milieu qui l'intéresse par-dessus tout et, en 2014, en s'inspirant de l'artiste français JR, elle a transformé la capitale burundaise en véritable musée. A travers son exposition à ciel ouvert " Les travailleurs de l'ombre " (d'immenses portraits de travailleurs placardés sur les murs de la ville), elle a voulu surprendre mais surtout rendre accessible son art au plus grand nombre. On peut voir ses clichés sur sa page Facebook (Rosalie Photographie) et un livre avec les photos en question est disponible à la librairie Savoir + Lire +, sur le boulevard de la JRR (35 000 BIF).
La Présence du passé. Une histoire de la photographie au Burundi 1959-2005, est un livre réalisé avec l'aide des ambassades de France et d'Allemagne et du ministère burundais de l'Information et de la Communication (Bujumbura, publication CCF, 2008). L'introduction par Jürg Schneider donne des éléments intéressants, les clichés historiques sont aussi remarquables. Le livre est consultable à la bibliothèque de l'IFB.
A l'image de la photographie, le cinéma et l'audiovisuel connaissent un essor sans précédent ces dernières années. Même si les habitants de Bujumbura restent à peu près les seuls à disposer de salles obscures (cinémas de quartier ou projections au Martha Hôtel), avec ceux de Ruyigi (cinéma des Anges) et la population rurale ayant accès aux campagnes de cinéma mobile (Iriba), les progrès sont considérables depuis la fin des années 2000. La production cinématographique nationale, faible jusque là, a explosé, des studios audiovisuels ont pris leurs marques (Iragi Productions, Productions Grands Lacs, Papa Jamaïca, Menya Media...), des stages sont offerts à de jeunes réalisateurs et certains d'entre eux franchissent les frontières pour poursuivre leur formation.
Le lancement du Festicab en 2009, une manifestation annuelle, a incontestablement marqué un tournant dans l'histoire du cinéma au Burundi, en encourageant les nouvelles vocations et en ouvrant le pays aux productions africaines du 7e art. En juin 2014, la 6e édition de ce festival a accueilli plus de 100 films, toutes catégories confondues.
Léonce Ngabo, scénariste, réalisateur et producteur, est un ancien chanteur connu pour ses tubes dans les années 1980. Il préside le Festicab et a fondé l'Association burundaise des créateurs d'images et de son (ABCIS) qui l'organise. Fer de lance du développement cinématographique au Burundi, il est l'auteur du premier long-métrage de fiction burundais, Gito l'Ingrat, et dirige les Productions Grands Lacs.
Joseph Bitamba, producteur et programmateur télé, a évolué au Burundi et au Canada. Il compte une vingtaine de documentaires et films de télévision à son actif, dont plusieurs ont été primés en Occident et en Afrique. Il dirige le studio Iragi Productions.
Jean-Pierre Aimé Harerimana, correspondant de Reuters, est l'un des plus fameux cameramen du Burundi. Il a tourné des clips et participé à de nombreuses réalisations, avec l'ONG Search for Common Ground ou le réalisateur Ndimurukundo.
Evrard Niyomwugere est un passionné d'images. Journaliste-reporter à la Télévision Renaissance puis à Iwacu, il a réalisé plusieurs courts et reportages, dont Kiramvu, qui lui a valu une formation en 2011 dans la prestigieuse Fémis (Fondation européenne des métiers de l'image et du son), où il a tourné Suzanne, trophée du meilleur documentaire au Festicab 2012. En 2014, il s'y est encore illustré lors de la 6e édition du Festival en remportant le trophée du meilleur documentaire à la fois dans la compétition nationale et est-africaine avec Majambere le fonceur qui retrace l'histoire d'un karatéka handicapé.
Don-Fleury Ndimurunkundo et Eddy Munanyeza sont des espoirs du cinéma burundais. Le premier, étudiant en droit et science politique en France, a réalisé un beau succès en 2005 en interrogeant la jeunesse burundaise dans L'Ecole de la vie. Le deuxième, réalisateur et producteur grandi chez Menya Media, a obtenu la mention spéciale au Festicab en 2010 pour son Histoire d'une haine manquée, diffusée sur les télévisions ouest-africaines. Il a été retenu pour un stage d'écriture en marge du Fespaco 2012.
Pour aller plus loin, lire Images et paix. Les Rwandais et les Burundais face au cinéma et à l'audiovisuel, une bible d'informations sur le domaine rédigée par Guido Convents (Africalia, Afrika FIlm Festival, 2008).
La plupart des films burundais sont des courts-métrages ou des documentaires. En voici une sélection, qui évacue nombre de productions des années 2000 réalisées autour des questions de la paix ou de la réconciliation.
Gito l'ingrat, de Léonce Ngabo (fiction, 1992, 91 mn). Prix de l'Agence de la francophonie en 1992, du Meilleur premier film au Fespaco à Ouagadougou en 1993, et la même année, Grand prix " Vues d'Afrique " à Montréal.
Ikiza, unité et guerre civile au Burundi, de Joseph Bitamba (documentaire, 1994, 52 mn). Grand prix Festel (Festival des télévisions) de Yaoundé en 1998.
Le Métis - Enfants de la rue au Burundi, de Joseph Bitamba (documentaire, 1996, 28 mn). Prix spécial du jury au festival Vues d'Afrique de Montréal, en 1996.
Le Carnet noir, de Benjamin Ntabundi (animation, 1996, 8 mn). Grand prix de la Province de Namur au festival international du court-métrage de Namur, en 1996.
Bulaya, qu'as-tu fait de mon enfant ?, de Lydia Ngaruko (documentaire, 2004, 46 mn). Présenté au Fespaco 2005.
Pour mieux s'entendre, de Jean-Charles l'Ami (documentaire, 2004, 52 mn). Projeté au Burundi grâce au cinéma mobile de la Caravane pour la paix et la réconciliation (association Iriba).
Inzu. Une maison pour Kadogo, de Charles-Edgar Mbanza (documentaire, 2005, 52 mn).
En attendant le retour des éléphants, de Léonce Ngabo (documentaire, 2009, 52 mn).
Na wewe, d'Ivan Goldschmidt, sur une idée de Jean-Luc Pening (fiction, 2010, 18 mn). Prix du public au festival du court-métrage de Bruxelles et prix Ciné-courts du festival " Le Court en dit long " du Centre Wallonie-Bruxelles de Paris en 2010 (www.na-wewe.com).
Burundi 1850-1962, de Léonce Ngabo et Mathias Desmarres (documentaire historique, 2010, 60 mn).
Histoire d'une aide manquée, d'Eddy Munanyeza (documentaire, 2010, 26 mn). Mention spéciale Festicab 2010.
Rwagasore. Vie, combat, espoir, de Justine Bitagoye et Pascal Capitolin (documentaire, 2012, 60 mn, www.rwagasore.com).
En milieu rural, la danse et les chants qui l'accompagnent (uruvyino) restent traditionnels. Ils jouent un rôle important dans les grands moments de la vie individuelle et collective.
Les chants, portés par des mélodies simples et soutenus par des battements de mains et de pieds, évoquent le quotidien du travail au champ ou les aventures de héros mythiques. Les femmes les entonnent plus facilement que les hommes et dansent souvent en même temps. Les hommes dansent dans des contextes plus déterminés et codifiés, et souvent en troupe (danse des Intore, des tambourinaires, danse agasimbo).
En ville, il va sans dire que la danse évolue plus avec la diversification des musiques, s'adapte aux lieux où on la pratique, à savoir surtout les boîtes de nuit ou les karaokés festifs. Si la télévision nationale consacre encore tous les jours une plage horaire aux musiques et danses traditionnelles, d'autres écrans télés diffusent de leur côté des chorégraphies plus modernes.
La danse d'aujourd'hui. Il n'y a pas de scène chorégraphique contemporaine au Burundi, où ce sont plutôt des danses traditionnelles qui sont enseignées. Un chorégraphe et danseur inventif, Ciza Muhirwa, a connu son heure de gloire dans les années 1990-2000 en Belgique, en créant une synthèse de mouvements modernes et de danses traditionnelles dépoussiérées (Club Higa, troupe Inganzo) et en assurant sa notoriété dans des compagnies de dimensions internationales (Linga, José Besprosvany, Dunia Dance Theatre). Mais il est à peu près le seul dans cette catégorie pour l'heure.
En revanche, depuis les années 2000, une multitude de troupes se sont formées dans les villes, qui se frottent au rock, au hip-hop, au breakdance ou à d'autres styles modern jazz, voire de salon (Salsa Groupe). Beaucoup se produisent dans les bars-karaoké de Bujumbura ou lors de célébrations publiques.
Plusieurs viennent des quartiers Nord où le centre Jeunes Kamenge organise chaque année des spectacles suivis par des milliers de jeunes, comme The Unity of World (Cibitoke), les Power Boys (Buterere) ou les King of Snakes (Kamenge). On aime bien les Wild Gangstas et les Best Crew, mais surtout, le coup de coeur va aux Black Snakes de Kamenge. Ils sont une dizaine à offrir d'entraînants spectacles de breakdance rehaussés d'acrobaties, dont certaines à couper le souffle. S'ils sont programmés un soir dans un karaoké, courez-y !
Les Batwas ont des danses bien à eux, accompagnées de jeux de crécelles ou de sifflements, et marquées par des acrobaties et des contorsions. Dans les autres groupes de la population, les danses varient surtout selon les régions et les sexes.
Agasimbo. Pratiquée par des " danseurs-toupies ", cette danse énergique est propre au Buragane (vers la Tanzanie et le Kumoso). Sa pratique exige un sens de l'équilibre exceptionnel (voir la partie " Du lac Tanganyika à la source du Nil ").
Amayaya. Danse populaire du Kirimiro, pratiquée par les femmes et les hommes. On l'exécute pour manifester sa joie, par exemple au cours d'une visite de voisinage. C'est un balancement nonchalant plutôt qu'une danse en tant que telle.
Danse des batimbo. Elle est réservée aux hommes, particulièrement aux groupes chargés de la fabrication et de la frappe des tambours, dont elle accompagne les performances. Il s'agit d'une danse dynamique, qui mêle sauts acrobatiques, espiègleries et surprenants mouvements des pieds et des épaules. On l'appelle parfois akanyarusizi.
Danse des Intore. Egalement réservée aux hommes, c'est la danse emblématique du Burundi (et du Rwanda), exécutée autrefois par la garde personnelle du mwami. Elle est physique et exaltante (voir la partie " Vers les lacs du Bugesera ").
Igisuru. Danse féminine qui fête la naissance de jumeaux.
Ihunja. Caractérisée par une grande souplesse du cou et de la colonne vertébrale, cette danse féminine spectaculaire vient des plateaux centraux (Mugamba, Kirimiro). Le corps redressé, la danseuse exécute par moments un rapide mouvement en arc de cercle, conduit par la tête et les épaules.
Imisambi. C'est une danse féminine, propre au Kirimiro. Les danseuses imitent avec grâce le pas et l'allure des grues couronnées, oiseaux fort appréciés qui donnent leur nom à ce ballet.
Ubusambiri. Une danse du Buragane, pratiquée surtout par les jeunes et influencée par les danses de la Tanzanie voisine.
Umutsibo. C'est la danse du Buyogoma, réservée aux femmes, qui sert à exprimer la joie à l'occasion d'une naissance. Le haut du corps intervient peu, jambes et bassin remuent en revanche beaucoup.
Umuyebe. Danse masculine tonique et rythmée, pratiquée dans l'Imbo et les Mirwa. Les danseurs portent des coiffes de plumes d'oiseau. La gestuelle est haute en couleur et l'ensemble marqué par une grande souplesse des corps.
Umwiyereko. Danse du Bugesera présentant des ressemblances notables avec certaines danses du Rwanda.
Urwedengwe. C'est une danse féminine de la région du Buyenzi (Ngozi, Kayanza). Jambes en semi-flexion, les danseuses remuent les épaules et la poitrine sans que les bras et les hanches ne bougent.
Avant sa transcription par les missionnaires européens au XXe siècle, le kirundi n'était pas une langue écrite. C'est par le truchement du verbe, de la parole et du discours (ijambo, qui signifie tout cela à la fois), que la poétique ancienne s'est épanouie. Par ailleurs, le faible taux d'alphabétisation et l'indigence des moyens éditoriaux expliquent que la littérature nationale écrite n'ait connu qu'un développement moyen jusqu'aux années 2000. Des livres édités sur place ou à l'étranger par des Burundais ont souvent pris la forme de témoignages sur les massacres ou les crises politiques contemporaines, sans que leur style ne puisse être qualifié de " littéraire ". Aussi, en dehors de Michel Kayoya, qui reste le plus reconnu des écrivains contemporains, il est difficile de citer des auteurs contemporains représentatifs d'un véritable courant littéraire burundais avant 2000. C'est la jeune génération qui pousse aujourd'hui la littérature écrite au Burundi, et la création d'une association des écrivains burundais comme celle du café littéraire Samandari n'en sont pas les moindres signes.
Sébastien Katihabwa a publié en 1992 un beau recueil de nouvelles, Magume ou les Ombres du sentier, qui explore le quotidien de paysans découvrant les travers et les excès de la " modernité " dans la capitale. La Revanche du destin, paru en 2006, est son plus récent opus.
Anselme Nindorera a rédigé un roman historique sur le règne de Mwezi Gisabo (XIXe-XXe siècle), Les Tourments d'un roi (1993).
Perpétue Nshimirimana, journaliste vivant en Suisse, a publié en 2004 une autobiographie littéraire sous forme d'adresse à son père, tué en 1965, Lettre à Isidore (Vevey, éd. de l'Aire).
Francis Muhire représente une jeune génération d'auteurs qui se frotte à l'écriture par divers biais, dont le théâtre et le cinéma. Grand lauréat du premier Prix Michel Kayoya, en 2009 (nouvelle Le rêve du rêve), il est aussi scénariste (prix de la meilleure oeuvre burundaise pour le court-métrage Taxi love, Festicab 2010) et acteur de théâtre (Pilipili).
Roland Rugero est un auteur prometteur. Ce journaliste burundais (dont six ans au journal Iwacu) a la plume aussi chatoyante que les vertes collines de son pays. Auteur d'un premier roman en 2007, Les Oniriques (Publibook) et médaillé de bronze des VIe Jeux de la Francophonie à Beyrouth (Le Sourire et l'enfant, 2009), il a publié Baho !, son second roman, qu'on recommande (Vents d'ailleurs, 2012). Co-fondateur et animateur du café Samandari, c'est aussi un passionné de cinéma, avec l'écriture et la réalisation d'un long-métrage à Buyenzi : Amaguru n'Amaboko (Les Pieds et les mains - 82 mn, 2014).
Les jeunes Abdul Mtoka et Thierry Manirambona sont aussi talentueux. L'un, étudiant en droit en France et amateur de littérature et poésie arabes et swahilies, a été couronné deux fois d'un prix Kayoya (2009 et 2010). L'autre, un jésuite étudiant au Rwanda, a reçu le grand prix Kayoya en 2010 pour L'Albinos. Il est l'animateur d'un blog intéressant sur les écrivains burundais (http : //laplumeburundaise.com/) et a publié un recueil de poèmes, Sapin d'avril (Publibook, 2012).
Ketty Nivyabandi, poète, membre du collectif Maoni, est coordinatrice du café Samandari avec Roland Rugero. Eric Shima a fait paraître en 2010 ses poésies dans La Voix des Grands Lacs (L'Harmattan).
Pierre Nkurikiye, poète né en 1978, ne se contente pas d'écrire. Il est aussi chanteur et dessinateur, et exerce aujourd'hui au cabinet du ministre de la Sécurité publique. Il a publié en 2014 deux ouvrages : Au fond de l'amour et Burundi les larmes d'un peuple chez Edilivre.
L'Association Sembura, ferment littéraire, a édité en 2011 une anthologie d'auteurs des Grands Lacs, Emergences - Renaître ensemble (Kigali, Fountain Publishers), à laquelle la plupart des auteurs cités précédemment ont contribué.
L'abbé Michel Kayoya est l'un des grands noms de la littérature burundaise. Né en 1934 à Kibumbu, il a fait des études religieuses au Petit séminaire de Mugera et au Grand séminaire de Burasira dans les années 1950, ainsi que des formations en Europe. Il est ordonné prêtre peu de temps après l'indépendance, en 1963. D'abord chargé des mouvements d'action catholique et des coopératives à son retour, il est ensuite nommé recteur du Petit séminaire de Mugera. Après un court passage dans le diocèse de Muyinga, il retrouve Gitega où il lance l'Union du clergé incardiné et des formations religieuses pour jeunes filles.
Alors qu'il est recteur de Mugera, Michel Kayoya rédige deux livres qui sont des monuments de la littérature burundaise en français. Le premier, Sur les traces de mon père. Jeunesse du Burundi à la découverte des valeurs (Presses Lavigerie, 1968), célèbre les valeurs ancestrales du Burundi, et l'harmonie des temps anciens. Le second, Entre deux mondes. Sur la route du développement (1970), est un cri du coeur en faveur du progrès et contre les conflits entre communautés.
La langue de Kayoya était poétique et ses envolées contre les divisions ethniques malheureusement prophétiques... Arrêté au moment des massacres perpétrés contre les Hutu, dont il est, il est fusillé le 17 mai 1972, et son corps jeté dans une fosse.
Aujourd'hui, Kayoya est un symbole d'humanisme littéraire largement célébré. Une association perpétue son souvenir (Iragi rya Michel Kayoya), et des voix se font entendre pour qu'on lui donne une sépulture décente. Surtout, un prix littéraire portant son nom a été lancé en 2009 par le journal Iwacu, soutenu par la Coopération française. En décembre 2013 a eu lieu la cinquième édition avec plus de 70 auteurs qui ont présenté leurs écrits (signe que le Prix Kayoya devient une véritable institution).
L'hymne officiel du Burundi a été créé par un groupe d'écrivains réunis autour de l'abbé Jean-Baptiste Ntahokaja, et mis en musique par Marc Barengayabo. L'Assemblée nationale l'a adopté en 1962, quelques semaines avant l'Indépendance. Il en existe une traduction en français poétique par Ntahokaja. On en présente ici le sens littéral, plus fidèle aux images qui font la spécificité du discours kirundi.
Burundi Bwacu, Burundi Buhire - Notre Burundi, Burundi béni
Shinga icumu mu mashinga - Plante ta lance parmi les nations
Gaba intahe y'ubugabo k'ubugingo - Sois légitimement maître du " bâton de vaillance "
Warapfunywe ntiwapfuye - Tu as été réduit, mais tu n'es pas mort
Warahabishijwe ntiwahababuka - Tu as été malmené, mais tu n'as pas perdu le souffle
Uhagurukana (ter) - Tu t'es levé...
Ubugabo urikukira -... vaillamment pour ton indépendance
Komerwa amashi n'amakungu - Soit applaudi par les nations entières
Habwa impundu n'abawe - Reçois les acclamations des tiens
Isamirane mu mashinga (bis) - Qu'elles retentissent partout dans le monde
Burundi bwacu, ragi ry'abasokuru - Notre Burundi, héritage de nos aïeux
Ramutswa intahe n'ibihugu - Reçois le salut des peuples
Ufatanije ishaka n'ubuhizi - Tu combines la volonté et la bravoure
Vuza impundu - Pousse des cris de joie
Wiganzuye uwakuganza (bis) - Tu t'es débarrassé de ton oppresseur
Burundi bwacu, nkora mutima kuri twese - Notre Burundi, cher à notre coeur
Tugutuye amaboko, umutima n'ubuzima - Nous t'offrons nos bras, notre coeur et notre vie
Imana yakuduhaye ikudutungire - Que Dieu qui t'a donné pour nous te garde pour nous
Horana ubumwe - Aie toujours l'unité
N'abagabo n'itekane - De vrais hommes et la sérénité
Sagwa n'urweze - Déborde de joie
Sagwa n'amahoro meza - Déborde de vraie paix
Presse écrite. Les lecteurs assidus de journaux seront déçus au Burundi. Le seul quotidien du pays est malingre, et beaucoup d'autres titres, hebdomadaires, mensuels ou à parution irrégulière, sont amateurs. Le taux d'analphabétisme explique en partie la faiblesse de la presse périodique. Mais aussi la culture de la lecture n'est pas très développée. La presse a été étouffée pendant la colonisation et pendant la période du monopartisme, puis elle s'est déchaînée dans l'ethnisme au début des années 1990.
La plupart des journaux sont en vente dans la rue le jour de leur sortie (centre-ville), dans les grands hôtels, à la librairie Saint-Paul, dans les " alimentations " et à la Maison de la presse. La plupart de ces lieux proposent aussi des éditions de la presse internationale (Le Monde, Le Soir, Courrier international...).
Radio. C'est le média préféré des Burundais, le plus développé aussi (une quinzaine de radios privées). Une véritable culture de la radio libre s'est épanouie au Burundi à partir des années 1990-2000, démocratique (les stations émettent dans tout le pays en kirundi, kiswahili, français, anglais), investigatrice (enquêtes sensibles) et multiethnique (équipes mixtes).
Les journalistes se sont organisés (Association burundaise des radiodiffuseurs, ABR ou Union burundaise des journalistes, UBJ) et n'hésitent plus à se défendre contre les coups de boutoirs portés à leur liberté d'expression. Ils ont organisé une " synergie " lors des élections de 2005 et 2010 pour traiter conjointement l'information recueillie. Radio Mariya-Burundi et Radio Ivyizigiro-Espérance sont des radios confessionnelles (parmi d'autres). Elles émettent en kirundi et français. Des radios internationales émettent aussi à Bujumbura en FM : Radio France Internationale (RFI), la Voix de l'Amérique (VOA), la British Broadcasting Corporation (BBC).
Télévision. Peu de personnes disposent de la télévision chez elles en dehors des villes. Les émissions importantes sont souvent suivies collectivement chez des amis ou dans des bars qui disposent d'un écran. La RTNB est la chaîne nationale. Télé Renaissance est la seule chaîne privée du pays. Il existe des bouquets payants (Télé 10 Burundi, CanalSat, StarTimes) et certains hôtels sont câblés et reçoivent TV5 (francophone) qui produit des programmes spécifiques pour l'étranger.
La musique, le chant et la danse sont au coeur des manifestations sociales, qu'elles soient liées à l'ancienne monarchie (tambours), à la vie rurale ou familiale (mariage, naissance, etc.). L'exubérance est moins grande qu'au Congo, car la musique traditionnelle est aussi discrète que le chant, souvent chuchoté. Cette retenue coïncide avec la réserve des Burundais dans leurs rapports sociaux.
Même si des associations maintiennent la flamme d'une culture " authentique " (Club Higa, Intatana Club) et si des groupes excellent dans la tradition musicale (Bernard et Alfred), aujourd'hui les sons sont réajustés dans des musiques plus mondialisées. Les jeunes générations bougent sur du hip-hop, du R'n'B ou du rap, dansent le ndombolo et le coupé-décalé... Les clips imposent des artistes afro-américains, mais les chanteurs locaux connaissent aussi leur succès et une riche scène burundaise est née dans les années 2000. Elle a été aidée par le boom des " karaokés " à Buja, et par la naissance de studios de production (Tanganyika Studios notamment). Les concerts en plein air se multiplient, au Cejeka, au Jardin public ou au Musée vivant. Enfin, des concours sont organisés, les plus réguliers étant les Isanganiro Awards (radio Isanganiro) qui en sont à leur 4e édition, et surtout le Primusic (organisé par la Brarudi) qui, pour la 3e année consécutive, a rassemblé beaucoup de monde lors des différents concerts organisés à travers le pays.
Il est impossible de faire l'inventaire de tous les talents musicaux connus ou en devenir. On se bornera ici à quelques têtes d'affiche en 2014, en restant donc incomplet, et en passant sous silence les " monuments " de la chanson burundaise, Canjo Amisi, David Nikiza et Jean-Christophe Matata, aujourd'hui décédés.
Le genre mixant pop-rock, blues et influences burundaises est très apprécié. Dans des styles personnels, ceux qui modernisent les sons et thèmes anciens sont légion. La groupe Africa Nova et les chanteurs Jean-Christophe Matata, Bahaga (Prosper Burikukiye) ou encore Khadja Nin en avaient été les précurseurs dans les années 1980-1990. Steven Sogo, qui compose une world music bien à lui, en a été la star au début des année 2010 même s'il est plus discret ces dernières années. Riziki Uwinyota est un peu son équivalent féminin. Elle a aussi été récompensée (PAM Awards 2010).
Dans un registre similaire, on citera encore John Chris, de Bwiza ; Fizzo (Talent Show 2008) ; Serge Nkurunziza, nourri au petit lait de la culture burundaise ; mais surtout le très célèbre Kidumu, qui tourne dans la région (Kilimanjaro Awards 2012) et au Canada (kirundi et kiswahili). Les Peace and Love, un groupe composé à la base de deux guitaristes et une chanteuse malvoyants, connaît un succès énorme, de même que Moutcho, un trio instrumental avec Yvan à la basse. Albert Kulu, qui mélange salsa, blues, jazz et tradition a obtenu plusieurs prix a l'étranger, et Emelance Niwizere comme Francis Muhire ont été sélectionnés au concours musical RFI, toujours dans un style world. Le jeune Yoya a obtenu l'Isanganiro Award du meilleur chanteur en 2012. Enfin, on citera Bobona, de son vrai nom Bonfils Nikuze, qui en 2014 faisait partie des 10 finalistes du prix découverte RFI.
Plutôt rap et hip-hop, penchant R'n'B et parfois tendance zouk, quelques musiciens émergent sur la scène musicale jeune, en kirundi s'il vous plaît. Fariouz est un pionnier du genre, et Mkombozi Rapu l'une de ses récentes révélations, comme T-Max, Sat B ou encore l'Etoile du centre, un groupe déjà plus ancien, composé à l'origine de quatre artistes de Kamenge. Tous ont commis des tubes qui passent en boucle dans les boîtes.
S'il fallait citer un seul groupe de reggae, les Lion Story seraient celui-là. Originaire de Gitega, ce groupe fait tous ses concerts à guichet fermé. Gagnant ou classé dans plusieurs compétitions, tous ses albums, engagés, font un carton (Indépendance, Ikangure et Revolution time). Adjobalove (Ismaïl Nduwimana), ainsi que les groupes Uhuru Fighters et BBR (Bose Bagona Rimwe ou Benshi Banama Rimwe), connu pour la chanson Amasistem (" les systèmes "), sont aussi à la pointe des rythmes reggae.
Le slam commence a être bien représenté sur la scène burundaise et de plus en plus apprécié du public. On citera par exemple Justman qui slame en kirundi, Doum's, un réfugié congolais, ou encore Gaël Faye, qui, depuis la France, rend hommage au pays et au continent qui l'ont vu naître, et parfois enregistre à Bujumbura de bien belles chansons. Bertrand Ninteretse slame et met le feu partout où il passe ; il a créé avec Pamela Kazekare le centre culturel Meet'We en juin 2014. Situé à Mutanga-Sud, c'est une sorte de " pépinière d'artistes " qui propose des cours variés (musique, dessin...).
Un site, akeza.net et un magazine, Get-it, disponible dans plusieurs lieux au centre-ville de Bujumbura, sont consacrés à la musique et au live dans la capitale. Une Amicale des musiciens essaye aussi d'obtenir des droits pour les artistes.
Les traditions instrumentales burundaises sont plutôt masculines, en solo ou en duo pour accompagner le chant. Sauf dans le cas particulier des tambourinaires, il n'y a pas de formation en orchestre.
Amayugi (grelots). Accrochés aux chevilles des danseurs Intore, ils sont de cuivre et de cuir, et claquent selon les battements des pieds. Par coutume, on accroche un grelot au cou des enfants nés en huitième position, qui prennent le nom de Mayugi.
Ikembe (lamellophone). L'instrument proviendrait du Congo (sanza). Composé d'une caisse évidée sur laquelle sont fixées des lamelles métalliques (ou de bambou) de diverses longueurs, il est complété avec des graines de savonnier dans la caisse de résonnance, qui lui donnent un son grésillant.
Inanga (cithare). Il s'agit d'une cithare-en-bouclier qu'on joue en position assise. Une corde en tendon de vache passe dans les encoches taillées d'une planche concave, et les joueurs la pincent ou la tapent avec leurs doigts. Le terme inanga recouvre à la fois l'instrument et le style musical : la cithare émet un son si doux que les chanteurs chuchotent pour la laisser parler (kuvuza inanga). Le mode mineur ajoute un air mystérieux à ces chants épiques à la gloire du roi ou des dons de bétail.
Indingiti (petite vièle). Spécifique au Burundi, c'est un instrument monocorde fait d'un tronçon de corne de vache (la caisse de résonance) recouvert d'une peau de boeuf tendue (table d'harmonie). Un manche traverse la caisse et sert à accrocher de part en part une corde en fibres végétales ou nerf de boeuf. Un archet courbé complète l'instrument qui se joue frotté comme un violon. Les musiciens sont ambulants et chantent des ballades avec une voix de fausset.
Ingoma (tambour). C'est l'instrument " roi " du pays (ingoma signifie le tambour et le royaume). Il avait une fonction sacrée au temps de la monarchie et n'était frappé que par les ritualistes abatimbo (voir " Giheta-Gishora "). Les tambours burundais ne sont pas " discoureurs " comme ailleurs en Afrique. De grande taille (1 mètre ou plus), ils sont taillés dans des fûts évidés de Cordia africana (" l'arbre qui fait parler les tambours ") et ont la forme de mortiers fermés au pied et recouverts en haut par une peau de vache tendue, tenue par des chevilles de bois. On les frappe avec des baguettes de bois.
Inzamba (trompe). En corne (vache, antilope), les cors étaient utilisés pour guider les battues lors des chasses. Comme celles-ci n'existent plus, les trompes sont moins utilisées. Elles accompagnent des danses, comme celles des Intore ou des danseurs-toupies (agasimbo).
Umuduri et indonongo (arcs musicaux). Le muduri est monocorde et ressemble à un arc muni d'une corde sous tension en tendons de boeuf tressés qu'on frappe avec un hochet à grelot. Fixée au bois, une calebasse (ou plusieurs) fait caisse de résonance. L'instrument se tient à la verticale et le rythme est son principe (peu de notes disponibles). Populaire, il accompagne des chants de la vie quotidienne qui amusent. Le ndonongo est une variante rare (sud du pays et bords du lac). Il se joue plaqué contre la clavicule, la bouche ouverte servant de seconde caisse de résonance. Les rengaines sont lancinantes, entrecoupées de refrains chantés.
Umwironge (flûte). En bois, elle était jouée par les jeunes gardiens de vaches, pour occuper leur temps aux pâturages. Elle accompagne plutôt des chants pastoraux.
L'art figuratif n'existait pas autrefois au Burundi : il n'y avait pas de représentations peintes ou dessinées d'êtres vivants, pas non plus de sculpture. Un art abstrait s'exprimait dans la décoration des utilitaires, consistant à teinter, tresser, pyrograver ou creuser des motifs géométriques sur des tissus (écorce de ficus), des vanneries, des bois ou des pots.
Les arts graphiques contemporains ont fait leur apparition au Burundi au début des années 1950, quand une école d'art a été ouverte à Gitega par des missionnaires italiens. Beaucoup de peintres et de sculpteurs sont sortis de cette école de modelage céramique, ou d'autres institutions artistiques apparues plus tard dans la même région, comme l'Ecole technique d'art ou le Centre artistique de Giheta.
Parmi les peintres les plus connus de ces dernières décennies, on peut citer Pierre-Claver Sendegeya, aujourd'hui décédé, pour ses eaux-fortes, ses collages et ses dessins aux crayons de couleur ; Méthode Ndayiheke, cubiste et impressionniste ; ou Jonathan Nisubire avec ses tableaux en écriture automatique.
La création du collectif Maoni (collectifmaoni.blogspot.fr), vers 2007, a incontestablement redynamisé la scène artistique sinistrée depuis la guerre. Une vingtaine de peintres surtout, mais aussi de sculpteurs, poètes et graphistes, burundais et étrangers, y participent et exposent très régulièrement à l'IFB, au Cejeka ou au Club du Lac (" Traces ", 2011 ; " Au fil du temps 1962-2012 " ou " Amour ", 2012 ; " Renaissance ", 2014). L'une de leurs oeuvres collectives est un superbe " oiseau de la paix ", qui a survolé l'IFB en 2010 avant de prendre son envol pour Gitega, devant l'Alliance française. Parmi ses membres, on peut citer sans exhaustivité la peintre belgo-colombienne Marisol Léon, à l'origine du collectif, les peintres Fidélie Bivugire, Clovis Mwilambwe Ngoy et Sengele Diya, ou encore la poétesse Ketty Nivyabandi (café Samandari), le sculpteur Bernard Bigendako...
La sculpture, comme la peinture, n'était pas développée dans le pays avant les débuts de l'école d'art de Gitega.
Antoine Manirampa, est le plus important des sculpteurs formés dans cette institution réputée ou dans les autres environnantes. Chef de file et maître de nombreux artistes féconds des années 1980, il est réputé pour ses exceptionnels bas-reliefs sur bois détaillant des scènes de la vie traditionnelle burundaise. Ceux que l'on voit aujourd'hui dans les boutiques, de qualité très inégale, sont évidemment influencés par son style naturaliste.
Sylvestre Ngendakumana, est lui aussi connu pour ses superbes panneaux sculptés en bois sombre (visibles par exemple dans les banques BRB et BCB à Bujumbura), de même que Gabriel Marira avec ses scènes de genre. Pasteur Ngendankazi doit pour sa part sa réputation à ses cannes taillées et sculptées.
A l'heure actuelle, Bernard Bigendako et Lazare Rurerekana sont les sculpteurs de la " grande époque " de Gitega qui produisent encore régulièrement des oeuvres. Le premier, qui exposait au Musée vivant, s'est spécialisé un moment dans la figuration religieuse. Amateur de formes épurées, il s'est néanmoins libéré de cette tendance depuis qu'il est membre du collectif Maoni. Le second, de Gitega, sculptait à une époque des visages déformés sur panneaux de bois (" les masques ", comme il les appelle), dont on ne peut s'empêcher de penser qu'ils sont une métaphore des souffrances du Burundi. Son style est maintenant plus traditionnel dans les bas-reliefs et les tambours sculptés.
Le théâtre est un domaine dans lequel les Burundais sont très actifs. Son développement date de la période postcoloniale, les scènes et les salles étant auparavant plutôt réservées aux Européens. Avec la guerre et les différentes initiatives de réconciliation qui l'ont suivie, le théâtre est devenu un outil de communication majeur, aussi bien en ville que sur les collines. C'est aujourd'hui un véritable art populaire.
D'abord jouées dans des salles fermées comme au Centre culturel français (aujourd'hui Institut français du Burundi), haut lieu du monde théâtral à Buja, les pièces ont ensuite été diffusées à la télévision sous forme de saynètes ou données à l'intérieur du pays. Mais c'est surtout le théâtre radiophonique qui est devenu, pendant le conflit, un vecteur privilégié de sensibilisation des populations à la paix. Des programmes spéciaux ont été réalisés, suivis fidèlement par de très nombreux auditeurs, et des ONG internationales ont promu des troupes locales pour leurs projets post-conflit (paix, réconciliation, justice).
Aujourd'hui, citer toutes les troupes serait impossible : pas un quartier de la capitale, pas une ville qui n'ait son groupe théâtral. Des ateliers d'initiation et de perfectionnement existent dans beaucoup d'écoles, de lycées ou d'associations locales. On les découvre au hasard des programmations et des rencontres. Ici, on se cantonne aux plus emblématiques.
Les groupes théâtraux comme Iteka, Tubiyage (association de 7 troupes) ou Ninde (Gitega), rattachés à des ONG (ligue Iteka, studio Tubane, Search for Common Ground, Avocats sans frontières, Cosome, etc.), ont joué des pièces traitant des droits humains et de leur violation, de la réconciliation, des violences sexuelles, du désarmement ou des élections (kirundi et français). La troupe Ninde a participé à des programmes de radio-théâtre paysan et à des campagnes d'éducation civique et électorale sur vidéo. Tubiyage privilégie des approches interactives, en faisant intervenir et débattre les spectateurs.
La troupe Geza aho (" Arrêtez ça "), fondée en 1981 par Marie-Louise Sibazuri et des acteurs hutu et tutsi, est l'une des seules nées avant la guerre encore en activité dans les années 2000. Elle a joué dans plusieurs soap operas radiophoniques célèbres.
Le réseau RCN Justice & démocratie a développé de nombreuses activités théâtrales dans le pays dans les années 2000, avec sa propre troupe. Des dizaines de milliers de personnes ont vu ses spectacles en kirundi traitant de la justice et de son histoire.
La troupe Pilipili a été pendant de nombreuses années l'une des plus actives du pays. Elle a gagné sa renommée au tournant des années 1980-1990 avec des pièces jouées au Centre culturel français (maintenant IFB). Le groupe d'acteurs, Burundais et étrangers, était mené par Patrice Faye qui figurait aussi l'un des principaux auteurs du répertoire. A côté de purs vaudevilles, certaines pièces évoquaient de front et avec humour l'imbroglio des identités ethniques et sociales au Burundi. La troupe les a jouées dans des tournées nationales riantes et mémorables (à tous, merci " caaaaane " !). La troupe a connu un vide après le départ forcé de Patrice Faye en 2011, mais c'est maintenant Stanislas Kaburungu, comédien, qui a repris la responsablitité de la troupe ; ils ont joué deux fois leur nouvelle pièce Edition spéciale en 2014 à l'IFB.
La troupe Lampyre est la dernière née et regroupe une jeune génération d'acteurs. Elle a été fondée en 2007 par Freddy Sabimbona, grandi dans le giron de la troupe Pilipili comme bien d'autres de ses acteurs. Aujourd'hui c'est une troupe très active qui fait beaucoup pour le théâtre au Burundi. En février 2014, elle a organisé " Buja sans tabou ", un festival gratuit de 4 jours conçu autour de la liberté d'expression. Elle est également à l'origine des " soirées MDR " que les clients du Buj'Art ont beaucoup appréciées.
Tuyage Twongere (" Discutons-en encore "), de Marie-Louise Sibazuri (2004-2007). Un soap opera radiophonique coproduit par IRIN Radio (Integrated Regional Information Networks), Radio Kwizera et le Service d'aide aux réfugiés des jésuites de Ngara (Tanzanie). Plus de 140 épisodes.
Umubanyi ni we muryango (" Nos voisins, c'est notre famille "), de Marie-Louise Sibazuri (1997-2010). Un feuilleton culte produit par le Studio Ijambo et joué par la troupe Geza aho. Plus de 600 épisodes en tout !
Sur les parois du néant, de Joseph Kirahagazwe (2004). Présentée sur la scène off du festival d'Avignon.
Hutsi, Kamenge 94, Les Petits métiers et Des nègres et des colons, de Patrice Faye (2007, 2008, 2009 et 2010). Pièces jouées par la troupe Pilipili, à l'IFB (ancien CCF) de Bujumbura ou dans des tournées à l'intérieur du pays.
Les Intolérants, de Patrice Faye (2009). Série télévisée financée par la commission européenne racontant les aventures d'un Twa à Bujumbura.
Compilations et Monsieur le Président, de Freddy Sabimbona (2010 et 2011). Pièces jouées par la troupe Lampyre à l'IFB de Bujumbura.
Déchirement, d'Antoine Kaburahe (2012). Pièce jouée par la troupe Lampyre à l'IFB de Bujumbura.
Edition spéciale, jouée par la troupe Pilipili à l'IFB en 2014.
Les traditions orales forment une part importante du patrimoine artistique et culturel burundais. Historiquement, le Burundi n'avait pas de dépositaires officiels des traditions comme ailleurs en Afrique, qui auraient formalisé un discours esthétique de l'histoire. Mais la population a toujours baigné dans les récits traditionnels et la parole sage. Des narrateurs et des récitants ont ainsi produit, au fil des siècles et selon des règles codifiées, de véritables " textes oraux " qui se sont transmis à travers les générations.
Ce patrimoine a été recueilli et retranscrit par deux religieux en particulier : le père Jean-Baptiste Ntahokaja (1920-1996), linguiste et philologue, qui fut pendant des décennies le chantre de la langue et de la culture burundaises (Imigenzo y'ikirundi, 1964) ; et le père Firmin Rodegem (1919-1991), ethnologue et linguiste, qui publia un nombre impressionnant de livres consacrés aux contes, proverbes et odes burundais (Sagesse kirundi, 1961 ; Anthologie rundi, 1973).
Il faudrait des milliers de pages pour décrire l'esthétique et les subtilités de cette littérature orale. Récitée avec des figures de style insaisissables pour qui ne parle pas kirundi, elle procède par comparaisons et métaphores. Quelques " genres " oraux peuvent être isolés :
La chantefable (igitito). C'est un avatar du conte, résultant de la participation des auditeurs au récit : applaudissements, rires, interpellations, étonnements et reprise d'un refrain chanté.
Les contes (imigani). Du verbe kuganira, " raconter ", les migani sont la base de la culture populaire. Leurs fonctions sont récréatives et éducatives. Ils mettent en scène des personnages ou des animaux qui incarnent des archétypes humains portant certaines valeurs morales. Quelques héros sont célèbres : Samandari, un bouffon qui triomphe toujours par la force de ses mots et son humour paradoxal, et Inarunyonga, une femme acerbe, anticonformiste et libre dans ses dires. Du côté animal, le lièvre (Rwamaheke ou Bakame) a une agilité d'action et une vivacité d'esprit valorisées, tandis que la hyène est veule et stupide. Destinés à nourrir l'imagination et l'intelligence, les contes ont toujours une morale implicite : les mauvais sont punis par là où ils ont péché ; l'amitié, la sagesse et la justice l'emportent sur la haine et l'arbitraire.
Les devinettes (ibisokozo, ibisokoranyo). Appréciées des enfants, elles sont des énigmes qui comprennent toujours une question introduite par l'expression Sokwe ! (" Devine ! ") et une réponse qui commence par Ni ruze (" Qu'il vienne, le gaillard ", soit " Que le meilleur gagne ").
Les odes et poèmes panégyriques (amazina). Amazina signifie " les noms " en kirundi. Sous ce vocable sont regroupés de courts récitatifs, chantés ou non, en l'honneur d'un roi ou d'un héros, pour les louanges du bétail, des abeilles ou les travaux des champs.
Les poésies pastorales (ibicuba, imivovoto) sont centrées sur la vache : celui qui les déclame exprime sa joie de posséder du bétail, la difficulté d'acquérir, de faire croître et de garder un troupeau. Elles sont dites par les hommes, parfois en entamant comme un dialogue avec les bêtes.
Les proverbes (imigani). Le dicton est la forme brève du conte. Ces formules codées fonctionnent comme des aides-mémoire de la morale burundaise et des guides de bonne conduite sociale. On en compte des milliers. Certains présentent une ressemblance avec les proverbes français (Umupfu ntiyinukira, " le cadavre ne sent pas l'odeur qu'il exhale " : on voit mieux la paille dans l'oeil du voisin que la poutre dans le sien). D'autres en sont fort éloignés. Certains sont dialogués, avec une question et une sentence morale en guise de réponse. Samandari y est parfois mis en scène.
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